Sans juger ni les uns ni les autres, à travers une vision presque documentaire de son sujet, Von Donnersmarck prend tout son temps pour décrire un étrange face-à-face entre deux hommes qui ne se rencontreront jamais (ou presque). D'abord Wiesler, impressionnant héros du début du film. Visiblement indifférent face au sort de ceux qu'il surveille, c'est un homme doué dans sa spécialité, rigoureux, intransigeant, dont les certitudes vont peu à peu s'effriter. Pas de manichéisme ici : Wiesler ne passera pas du clan des méchants vers celui des gentils, et c'est là toute la finesse du film, qui va loin dans l'exploration des sentiments humains.
Le deuxième homme, c'est Dreymann, artiste aux motivations politiques bien cachées et qui préfère fermer les yeux lorsque sa compagne est contrainte de coucher avec un ministre. Lâcheté? Non. C'est simplement que protester est à la fois inutile et dangereux lorsqu'on a des activités illégales. Courageux et intègre, Dreymann se met à l'écriture d'un article extrêmement subversif, sans imaginer qu'il est écouté par Wiesler. La suite est à découvrir : quelques rebondissements discrets, une vraie finesse d'écriture et deux acteurs sensationnels (surtout Ulrich Mühe, divin chauve) font de La vie des autres un candidat sérieux à l'Oscar du film étranger. Et même si le milieu du film aurait gagné à être franchement raccourci, la fin est d'une telle beauté que l'on en vient à oublier ces quelques réserves. Que les auteurs français prennent exemple pour écrire à leur tour des films intelligents et touchants sur les parts d'ombre de l'histoire de notre pays.
8/10