31 janv. 2007

LA VIE DES AUTRES

RDA 1984 : toute personnalité susceptible d'avoir une opinion politique est écoutée 24 heures sur 24 par la Stasi, police politique est-allemande. Gerd Wiesler, officier compétent, est chargé de surveiller les paroles de Georg Dreymann, poète apparemment inoffensif mais à la tête si pleine qu'il ne peut qu'être dangereux. Sauf qu'à force d'écouter vivre des intellectuels, Wiesler cogite et commence à se demander si les gens qu'il espionne ne seraient pas plus importants que ceux qu'il sert... Sur cette base prometteuse, Florian Henckel von Donnersmarck livre un long métrage qui, avant d'être un film politique ou d'espionnage, est d'abord une histoire d'hommes.
Sans juger ni les uns ni les autres, à travers une vision presque documentaire de son sujet, Von Donnersmarck prend tout son temps pour décrire un étrange face-à-face entre deux hommes qui ne se rencontreront jamais (ou presque). D'abord Wiesler, impressionnant héros du début du film. Visiblement indifférent face au sort de ceux qu'il surveille, c'est un homme doué dans sa spécialité, rigoureux, intransigeant, dont les certitudes vont peu à peu s'effriter. Pas de manichéisme ici : Wiesler ne passera pas du clan des méchants vers celui des gentils, et c'est là toute la finesse du film, qui va loin dans l'exploration des sentiments humains.
Le deuxième homme, c'est Dreymann, artiste aux motivations politiques bien cachées et qui préfère fermer les yeux lorsque sa compagne est contrainte de coucher avec un ministre. Lâcheté? Non. C'est simplement que protester est à la fois inutile et dangereux lorsqu'on a des activités illégales. Courageux et intègre, Dreymann se met à l'écriture d'un article extrêmement subversif, sans imaginer qu'il est écouté par Wiesler. La suite est à découvrir : quelques rebondissements discrets, une vraie finesse d'écriture et deux acteurs sensationnels (surtout Ulrich Mühe, divin chauve) font de La vie des autres un candidat sérieux à l'Oscar du film étranger. Et même si le milieu du film aurait gagné à être franchement raccourci, la fin est d'une telle beauté que l'on en vient à oublier ces quelques réserves. Que les auteurs français prennent exemple pour écrire à leur tour des films intelligents et touchants sur les parts d'ombre de l'histoire de notre pays.
8/10

LES AMBITIEUX

Il y a dix ans, Catherine Corsini sortait La nouvelle Ève, sympathique comédie romantico-vacharde qui mettait en valeur le talent de Karin Viard à jouer des connasses. Dix ans après, en manque visible d'inspiration (ses derniers films sont particulièrement mauvais), Corsini revient avec le même genre de film et le même gzenre de rôle à offrir à mademoiselle Viard : dans Les ambitieux, elle sera une éditrice imbuvable et redoutable (c'est l'affiche qui le dit) confrontée à un jeune auteur qui cherche à être publié.
Il apparaît clairement que Corsini n'a plus rien à raconter lorsque l'on réalise que Les ambitieux change de registre tous les quarts d'heure. D'abord comédie grinçante, puis fable sur l'arrivisqme, puis thriller littéraire, et ainsi de suite jusqu'à une fin parfaitement insipide en forme de comédie romantique. Forcément, dans un film sans ligne directrice, les acteurs semblent un peu perdus. C'est le cas d'Éric Caravaca, qui voudrait bien trouver le ton mais qui n'y arrive pas ; cela vaut aussi pour Karin Viard, qui n'arrive même pas à se rendre détestable.
Les ambitieux est surtout à déconseiller aux détracteurs du cinéma "d'auteur" français, qui retrouveront ici tous les tics qu'ils détestent. L'image est extrêmement laide, le ton parisianiste à souhait, et la volonté de faire intello est visible à chaque plan. Le film est à mille lieues de son titre : pas ambitieux pour deux sous, plat, mou, creux. Pas dit que le duo Viard-Corsini remette le couvert de sitôt.
3/10

29 janv. 2007

À LA RECHERCHE DU BONHEUR

On nous a si souvent bassiné avec le fameux rêve américain que le simple fait d'entendre cette expression peut suffire à donner des boutons à bien des occidentaux. D'ailleurs, c'est quoi, le rêve américain? Une réussite éclatante, une femme aux dents blanches et un coupé sport? Chris Gardner se contenterait volontiers de moins que ça : l'assurance de pouvoir fournir un toit, une éducation et de quoi manger à son fils Christopher le combleraient de joie. Seulement voilà : la vie est impitoyable, et une succession de coups durs contraignent les Gardner père et fils à vivre dehors, de foyer en foyer. Dans de telles conditions, difficile de rebondir. Pourtant, parce que la recherche du bonheur est un droit inscrit dans la constitution américaine, Chris va tout faire pour assurer à son môme un avenir meilleur.
Un tel résumé fait craindre le pire : et si À la recherche du bonheur était un drame racoleur, stéréotypé et tire-larmes? Il est vrai que faire interpréter un sujet de type par l'un des acteurs les mieux payés de Hollywood était un challenge risqué. Pourtant, étrangement, À la recherche du bonheur émeut et séduit. Pour son premier film américain, l'Italien Gabriele Muccino fait preuve d'une rare délicatesse pour capter le quotidien difficile de nos deux héros. Lorsque ceux-ci sont par exemple contraints de passer la nuit dans des toilettes publiques pour ne pas mourir de froid, sa caméra se fait discrète et pudique pour éviter tout sensationnalisme. Et si les étapes qui mènent Chris Gardner vers un avenir plus radieux sont cousues de fil blanc, cela ne s'explique pas, mais on marche à plein tube. Mieux, Muccino parvient à insuffler un véritable suspense avec trois fois rien (voir la scène du Rubik's Cube, très révélatrice de l'esprit du film).
Mais À la recherche du bonheur doit également beaucoup à la famille Smith. Il y a d'abord Will, excellent dans son premier vrai rôle d'adulte, et qui, contrairement à nos craintes légitimes, ne joue pas ce rôle pour se donner bonne conscience. Il révèle un vrai potentiel d'acteur dramatique (sa prestation dans Ali, certes fascinante, devait beaucoup à sa transformation physique et ne permettait pas de livrer un avis définitif). Et puis il y a Jaden Christopher, haut comme trois pommes, gueule d'ange, et un naturel à toute épreuve. La complicité entre les Smith père et fils est incontestable et est à l'origine de la réussite mineure mais réelle de ce joli film excessivement optimiste mais franchement bouleversant.
7/10

28 janv. 2007

PARS VITE ET REVIENS TARD

Régis Wargnier est un réalisateur médiocre : tout au long de sa carrière, il a empilé des films "qualité France" comme des cubes lisses et creux, sans talent ni passion. Le voir adapter Pars vite et reviens tard, gentil roman policier de Fred Vargas, n'avait donc rien de transcendant. Et le résultat, même si pas déshonorant, est à la hauteur des non-attentes.
Dans la masse des adaptations de polars à l'écran, Pars vite et reviens tard ne se distingue en rien. Wargnier ne transcende pas le roman de Vargas, pas plus qu'il ne le trahit. Comme souvent, le grand nombre de coscénaristes est inversement proportionnel à la profondeur de l'adaptation : à part quelques variantes superflues au moment de la conclusion, ce cher Régis s'est contenté de filmer plan par plan chacune des pages du livre. L'image est correcte, sans relief ni défaut majeur. Côté direction d'acteurs, c'est la catastrophe. Lucas Belvaux est mauvais comme un cochon (et c'est rare) et Marie Gillain est nulle (c'est moins rare). Quant à José Garcia, il montre une nouvelle fois ses limites dans un registre dramatique visiblement pas fait pour lui (voir l'affreux Couperet). Seuls Nicolas Cazalé et Olivier Gourmet s'en sortent de manière honnête.
Finalement, il n'y a pas grand chose à reprocher à Wargnier à propos de ce film : adapter le roman de Vargas était tout simplement une mauvaise idée. Car la thématique de la peste, potentiellement intéressante, ne débouche sur rien de bien épais, juste une conclusion bien polardeuse, pas plus crédible que la moyenne mais moins ridicule par exemple que dans les adaptations des bouquins de Jean-Christophe Grangé. C'est en voyant ce genre de film que l'on réalise à quel point le travail de Guillaume Canet sur Ne le dis à personne était faramineux : trouver un roman vraiment efficace, l'adapter avec conviction et en faire quelque chose de personnel. Wargnier aurait beaucoup à apprendre d'un jeunot comme celui-là.
4/10

27 janv. 2007

ROCKY BALBOA

Autant l'avouer tout de suite : je n'avais jamais vu un Rocky. Est-ce ma faute? Un peu. J'ai voulu rattraper mon retard mardi dernier et regarder le premier volet sur France 2, mais la mort de l'abbé Pierre a bouleversé les programmes (à la place, on a eu droit à un docuemntaire de Claude Pinoteau). Vraiment pas de bol.
Aller voir Rocky Balboa sans avoir vu les épisodes précédents est une expérience étrange : il est toujours un peu déroutant d'assister au come-back de quelqu'un qu'on ne connaît pas. Mais d'entrée, Sylvester Stallone met tout le monde à l'aise : le thème musical est connu, et sa voix rauque inimitable (façon de parler). À part ça, même en étant un parfait ignare en la matière, on imagine bien volontiers que l'énergie n'est plus la même qu'il y a trente ans. Car Rocky Balboa n'est pas un film de boxe. Ni un film sur la boxe. Le film est simplement la lente complainte d'un type vieux, pâtaud et complètement cassé, qui regrette le temps où il était fort, célébré, entouré. C'est-à-dire l'histoire de Rocky et de Sly.
On peut légitimement trouver cela touchant pendant une dizaine de minutes ; ensuite, l'heure tourne, et on comprend à quel point ces deux-là ont vieilli. Comme toute personne âgée qui se respecte, ils radotent un max. Il faut une heure dix à Stallone pour expliquer que c'était mieux avant, qu'il vaut mieux être jeune et bien portant que vieux ou mort, que la vie c'est moche, que l'arthrite ça fait mal. Ensuite, à condition d'avoir tenu jusque là, il y a un peu de boxe. Juste un peu. Après un entraînement éclair, Balboa remonte sur le ring pour un ultime combat face à un jeune boxeur arrogant et très talentueux. Ce n'est évidemment pas crédible, mais on s'en fout, puisqu'on est venu pour ça. Muscles saillants, veines prêtes à éclater, Stallone distribue les mandales autant qu'il en reçoit. Mais alors que la première partie prenait tout son temps pour brasser de l'air, le combat de boxe est expédié, broyé, accéléré, aussitôt commencé, aussitôt fini. Même pas drôle. Après une conclusion mélo et vite torchée, les lumières se rallument, et on se sent légèrement floué, comme lorsqu'un fan de boxe dépense une fortune pour assister à un match qui dure finalement moins d'un round. Ça donnerait presque envie de voir le premier Rocky : à l'époque, Stallone ne trompait personne sur la marchandise.
2/10

26 janv. 2007

REQUIEM

Michaela Klinger aimerait partir étudier à la fac, mais ses parents sont réticents : et si ça recommençait? Malgré ses médicaments, Michaela n'est pas à l'abri d'une rechute : et ses crises d'épilepsie sont franchement inquiétantes. Sauf qu'évidemment, il ne s'agit pas d'épilepsie. Inspiré d'une histoire vraie (on a toujours du mal à gober ça, mais vu la force du film, on y croirait presque), Requiem décrit le calvaire d'une jeune femme possédée par le diable.
La force du film, c'est de ne verser ni dans le fantastique horrifique (comme L'exorciste, sommet d'ennui à peine malsain) ni dans le plaidoyer bigot et cucul (le dangereux L'exorcisme d'Emily Rose). Requiem décrit la possession de son héroïne comme s'il s'agissait d'une pathologie certes grave mais pas plus inquiétante que l'épilepsie. Résultat de ce réalisme froid : après avoir assisté à une des terrifiantes "crises" de Michaela, on tremble pendant tout le reste du film, sachant que cela peut se reproduire à n'importe quel moment. Au dancing, dans un amphithéâtre, à l'église... jamais tranquille, le spectateur halète et fait des signes de croix à tout va, le trouillomètre à zéro.
Magnifiquement filmé par Hans-Christian Schmid (montage serré mais pas hystérique, image granuleuse et colorée), Requiem résonne comme le récit d'un fait divers plus flippant que tous les autres. La conclusion, sèche et glaçante, rend le film encore plus impressionnant ; et celui-ci s'impose sans mal comme le film le plus terrifiant de l'année 2006. Amen.
9/10

12H08 À L'EST DE BUCAREST

A fost sau n-a fost? Y a-t-il eu, ou non? C'est toute la question posée par ce délicieux 12h08, comédie politico-burlesque d'une originalité folle.
Après une longue introduction montrant la misère sociale dans laquelle vivent ses personnages, Corneliu Porumboiu entre dans le vif du sujet. Trois personnages vus par le biais de la caméra d'une chaîne de télévision locale : un vieillard qui s'occupe en faisant le père Noël, un professeur alcoolique, et un présentateur bien vite dépassé par les évènements. Alors, y a-t-il eu, ou non, une révolution dans ce petit village roumain? Tout dépend, en fait, de si le petit groupe qui a manifesté le 22 septembre 1989 (jour de la fuite de Ceaucescu) s'est montré avant ou après 12h08. Avant cette heure fatidique, ils seraient alors considérés comme de vrais révolutionnaires n'ayant pas peur des représailles. Après midi huit, les revoici simples fêtards, pas plus courageux que la moyenne.
Avec un humour dévastateur et très efficace, Porumboiu livre un spectacle hilarant où le burlesque est roi. On ne peut pas vraiment parler de film politique : même si 12h08 à l'est de Bucarest parle de révolution et de conviction, il s'agit avant tout d'un film destiné à rire de sujets pas forcément poilants à la base. C'est en tout cas fort réussi : un an après La mort de dante Lazarescu, comédie noire à la réussite discutable mais au ton différent, 12h08 vient confirmer que le cinéma roumain n'est pas mort et qu'il a beaucoup à nous apprendre.
8/10

24 janv. 2007

MONTAG

Alors bon. Montag ne se déroule pas un lundi. À un moment, le héros n'est pas content car on ne lui a pas livré les bonnes fenêtres. L'héroïne porte des pulls vraiment très laids. À un autre moment, une fille s'évanouit puis se réveille. On apprend également qu'étaler de l'eau sur un mur n'aide pas à décoller le papier peint. Encore à un autre moment, il y a Ilie Nastase, qui joue un tennsiman roumain s'appelant David. Après, l'héroïne se met toute nue sur son lit et boit du champagne avec lui. Même qu'à un moment, l'héroïne va dans la forêt. Et un peu plus tard, à l'hôtel, elle mange de la viande froide en regardant un documentaire français sur le monde de la mode.
Aussi dynamique qu'un épisode de l'inspecteur Derrick, Montag n'est dont pas un film très rebondissant. Et pourtant, à condition d'être patient, le film d'Ulrich Köhler a de quoi retenir l'attention. D'abord parce que l'image, quand elle n'est pas trop austère (car "L'allemand est austère", © Thierry Roland), est magnifique (images de la forêt à tomber par terre). Ensuite parce que certaines scènes improbables transforment le film en un mini trip lynchéen. Enfin parce que la scène finale fait naître beaucoup de cruauté avec quasiment rien. Pas sûr qu'Ulrich Köhler ait grand chose à dire, mais il le dit avec un certain talent. Et Ilie Nastase a vraiment la classe.
6/10

21 janv. 2007

CASHBACK

L'insomnie, les supermarchés, le temps suspendu : pour son premier long métrage (version longue du son court-métrage à succès), Sean Ellis exploite un certain nombre de sujets potentiellement fascinants, tant sur le fond que sur la forme. Cashback commence comme un film d'auteur version djeunz, avec son héros qui souffre en voix off. Mais d'entrée, malgré quelques gimmicks amusants, on sent que le Cashback d'une heure trente est le résultat de la dilution ratée d'un court-métrage plutôt dense.
Sean Ellis est un très jeune auteur, et le résultat s'en ressent : on dirait que le jeune anglais a voulu tout mettre dans son premier long. L'impact de nos ex, le temps qui passe (ou pas), l'art, les filles... Cashback finit donc par ressembler à un catalogue dont les pages seraient désespérément vides, puisqu'il faut bien admettre qu'Ellis n'a pas grand chose de neuf à dire sur ces sujets. Quand il ne fait pas débiter des banalités sur l'amour à des personnages tout droit sortis d'American Pie, il bascule dans la comédie pour ados avec personnages à la con et gags potaches. Et quand par miracle sa poésie artificielle commence à tenir la route, il désamorce ce petit début de magie par des scènes d'une nullité cosmique (le match de foot, grand moment de solitude).
On retiendra de ce Cashback quelques idées de mise en scène, un ou deux gags idiots mais bien amenés, et l'idée que la jeunesse, en matière de cinéma, n'est pas toujours une bonne chose. Avec un peu plus de maturité, nul doute que Cashback aurait pu être une petite claque, un joli coup de pied dans la fourmilière auteuriste.
4/10

LE DERNIER DES FOUS

Violence des échanges en milieu tempéré : si le titre n'était pas déjà pris, il aurait très bien convenu au deuxième film de Laurent Achard. Dans la ferme familiale, cinq personnages se déchirent. Parmi eux, Martin, mecqueton de presque 11 ans à la paupière tombante et au mutisme intrigant.
Sans être toujours convaincant, le film d'Achard impressionne par sa capacité à alterner silence malsain et hystérie rustique (travail du son discret mais saisissant). On pense plus d'une fois à Peau d'homme, coeur de bête, très beau film d'Hélène Angel, où déjà Pascal Cervo donnait du fil à retordre aux siens.
Le dernier des fous est le genre de film qu'il est très facile de rater. Un peu trop de complaisance ou un excès d'hystérie auraient pu rendre le projet imbuvable et insupportable. Mais non : Achard maîtrise son sujet et filme simplement mais joliment des personnages bien écrits. Et plus la fin avance, plus on comprend que les secrets de famille resteront enfouis, et que les réponses ne seront pas offertes clé en main. Jusqu'à ce plan impressionnant, le plus important du film, où le malaise, agrémenté d'une bizarre touche d'onirisme, vient pénétrer les crânes et laisser une dernière impression vraiment positive.
7/10

19 janv. 2007

PINGPONG

Paul, 16 ans, débarque sans prévenir chez son oncle et sa tante pour y passer des vacances. Voilà un résumé qui ne rend pas du tout justice à Pingpong, troisième film (mais premier à sortir chez nous) de Matthias Luthardt, et nouvelle preuve que le cinéma allemand est en train de renaître de ses cendres.
On ne peut pas se tromper : par la rigueur de son cadre, la froideur qu'il dégage et sa photographie sans chichis, Pingpong ne peut être qu'un film allemand. On pense à Haneke, la radicalité en moins, et surtout au Pasolini de Théorème, où déjà un personnage extérieur venait rompre l'équilibre apparent d'un cercle familial. Pingpong se distingue par une distanciation perpétuele, où le malaise et la jubilation tendent à se rejoindre. On sent l'implosion imminente, et on la craint autant qu'on l'espère. Pervers à souhait, Matthias Luthardt sait brouiller les pistes et semer çà et là des symboles légers commes des plumes mais pourtant bien présents. Pas un hasard si le jeune Paul trouve si souvent refuge dans la piscine qu'il est en train de rénover. Pas un hasard non plus s'il aime tout particulièrement cracher un peu partout. Et que dire du fait que c'est au chien que la seule femme de la maison donne toute son affection...
Dans Pingpong, il arrive que les personnages tapent la balle, façon pour eux de libérer la pression accumulée au cours de journées souvent tendues. Mais le ping-pong est également verbal et psychologique, avec une inversion fréquente des rapports de force entre les personnages. Résultat : si l'on se doute bien que tout ça va mal finir, on ne sait pas comment, ni en faveur de qui. Cruel sans être violent, doucement laconique, le dénouement trouvé par l'auteur-réalisateur est une merveille de précision et de finesse. À travers ce film, c'est toute la société allemande qui prend un coup dans l'aile. Le cinéma germanophone, lui, de Hans-Christian Schmidt à Ülrich Koehler en passant par Matthias Luthardt, n'en finit plus d'aller mieux.
8/10
(sortie le 24 janvier)

18 janv. 2007

JACQUOU LE CROQUANT

Le gentil mais frêle Gaspard Ulliel en justicier devant la caméra du clippeur de Mylène Farmer? Il faut avouer que sur le papier, Jacquou le croquant manquait de mordant (désolé). Et s'il y a là-dedans des longueurs, un maniérisme parfois agaçant et des défauts dans tous les coins, bizarrement, le film parvient à répandre une aura surprenante d'épaisseur et de mystère.
En voyant Jacquou le croquant, on devine facilement quelles ont été les influences de Laurent Boutonnant : par son thème et certains aspects de son traitement (toutes proportions gardées), le film tente de ressembler à Gangs of New York ; mais l'aspect "modernité sous couvert de film en costumes" fait également penser au Christophe Gans du Pacte des loups. Avec aussi de vrais morceaux de Boutonnant : parfois, on a l'impression que Mylène Farmer va apparaître dans un coin de l'écran pour murmurer qu'elle est libertine, qu'elle est une câtin. Mais au final, en creusant un peu, Jacquou le croquant ressemble surtout à un film de super-héros. Jacquou est un peu notre Batman à nous. Avec l'homme chauve-souris, il partage un trauma d'enfance : parents usés jusqu'à la corde et achevés par un méchant sans coeur. Puis recevra une bonne éducation avec un curé et un chevalier, ses Alfred à lui. Retrouvant le responsable de son enfance malheureuse, il laissera sa vengeance arriver à maturité, le temps pour lui de prendre un peu de muscle et d'assurance, et de découvrir son repaire secret, sorte de batcave sans batmobile. Et finalement, c'est en plein coeur de la nuit la plus noire qu'il assouvira sa soif de justice.
Comme dans Batman, il y a deux femmes, et la méchante est mille fois plus attirante que la gentille. Comme Bruce Wayne, Jacquou possède deux personnalités, l'une avide de sagesse, l'autre ne pouvant se résoudre à laisser l'injustice planer. Et c'est dans ce petit monde d'heroïc-fantasy sans héros charismatique ni fantaisie que Laurent Boutonnant parvient à laisser s'exprimer son envie de filmer. Plus le film avance, et plus Gaspard Ulliel se fait convaincant : sur la fin, on se dit même que lui avoir confié le rôle de Hannibal Lecter dans un film à venir le mois prochain a tout d'une bonne idée.
Reste à Boutonnat à se faire plus cohérent sur la forme, à davantage approfondir son écriture. Mais nul doute qu'il possède tout le potentiel pour en faire un très bon réalisateur, et qu'une fois qu'il se sera débarrassé de sa simple étiquette de clippeur, il parviendra à réaliser de vrais succès populaires de qualité.
7/10

TRUANDS

Dans ses deux premiers longs métrages (les respectables Scènes de crimes et Agents secrets), Frédéric Schoendoerffer se révélait être un cinéaste froid, presque clinique, dont la mise en scène au cordeau avait tendance à annihiler l'humanité des personnages et des situations. Truands constitue donc pour lui une sorte de révolution, et on ne peut que saluer ses efforts pour modifier avantageusement sa mise en scène.
Malheureusement, Truands n'est rien d'autre qu'un sous-Scorsese d'opérette, où le désir de montrer un univers et ses excès sont louables mais ne donnent que des scènes un peu too much. Que Schoendoerffer ait souhaité montrer qu'en France aussi, on sait percer des rotules à la perceuse et baiser des putes dans les chiottes d'un night-club, d'accord ; que ces scènes soient poussées à l'extrême, avec force litres de sang pour impressionner et filmage façon porno pour faire plus vrai, non.
Refusant la pratique du hors-champ, Schoendoerffer finit par livrer un film presque aussi ridicule que les gens qu'il dénonce. Il y a pourtant de bonnes choses dans Truands : un certain refus des conventions, montrant par exemple qu'il n'existe pas de code d'honneur et qu'on peut très bien tuer un ami si ça peut faire gagner quelques billets.
Le gros point d'interrogation du film, c'est Philippe Caubère : il livre une prestation théâtrale, quasi burlesque, avec rictus incessants et moues diverses et variées lorsqu'il n'est pas content. Il a tendance à décrédibiliser encore un peu Truands ; puis l'on réalise que c'est sans doute lui qui donne au film sa force et ses meilleurs moments, au milieu d'acteurs un peu timorés. D'autant plus que l'intrigue n'est pas bien épaisse (banale affaire de trahison et de règlements de comptes) : il faut bien alors se contenter de ce qu'on a.
Pour son prochain film, nul doute que Frédéric Schoendoerffer saura trouver le juste milieu entre extrême rigueur et hystérie filmique. Ce n'est simplement pas pour cette fois.
3/10

17 janv. 2007

L'ILLUSIONISTE

J'entends dire partout que si L'illusioniste risque de ne pas trouver son public, c'est uniquement parce qu'il arrive quelques mois après un autre film de magiciens, l'éblouissant Prestige. Il semblerait tout de même qu'il y ait une autre raison : The illusionist est un film creux, mou, sans cervelle. Ça calme.
Dès, le début, cet Illusioniste part mal : les tours de magie proposés sont tellement irréels et truffés d'effets numériques qu'on n'est absolument pas fasciné par l'illusion qu'ils suscitent. Par la suite, on ne croira pas non plus à l'histoire d'amour surannée, ni à la rivalité de pacotille entre le gentil magicien et le vilain prince (Rufus Sewell, très mauvais), ni à ce twist final auquel on ne pouvait que s'attendre...
Il est vrai que The illusionist souffre quelque peu de la comparaison avec Le prestige. Même construction, mêmes thèmes (rivalité, drame, frontière trouble entre réalité et illusion), mais le traitement artistique et scénaristique ainsi que la prestation des acteurs joue nettement en la faveur du film de Christopher Nolan. Forcément : mettre les deux films en balance revient à comparer Harry Houdini à un magicien de goûter d'anniversaire.
2/10

16 janv. 2007

LA FAUTE À FIDEL !

Dans la famille de la petite Anna, les choses changent. On quitte la grande maison familiale pour un appartement moins confortable. Papa se laisse pousser la barbe et invite plein de gens bruyants à la maison. Maman est prêt à lâcher son boulot pour partir au Chili voir si Allende va bien. Bref, c'est le bordel. Et la faute à Fidel.
La bonne nouvelle, c'est que Julie Gavras n'a pas choisi de marcher dans les traces de son père. Si son film traite en partie de politique (et surtout de la manière dont les Français la conçoivent), La faute à Fidel! n'a rien des plaidoyers souvent chiants et guindés de papa Costa. Adapté d'un roman de Domitilla Calamai, le film épouse le point de vue d'une petite fille pour mieux traiter un sujet pas toujours marrant avec une fraîcheur très agréable. Passé un premier quart d'heure un peu brouillon, on prend alors un vrai plaisir à suivre cette chronique tendre et sincère. Pas facile d'être petit : on déborde de questions sur la vie, l'amour, la mort et tout ce qui s'en suit, alors s'il faut en plus s'interroger sur ce que sont le communisme, les putschs et le napalm, la vie d'enfant n'a plus rien de marrant. C'est d'ailleurs l'une des grandes questions du film : que ce soit à propos de c'est quoi un avortement ou de comment ça marche le communisme, que faut-il dire ou taire à un enfant curieux mais encore innocent? Question délicate. Incarnés à merveille par Nina Kervel (qui m'a tout l'air d'être une sacrée tête de pioche) et Benjamin Feuillet (dont les interventions spontanées sont un véritable régal), Anna et François déambulent dans une vie qu'ils ne comprennent pas toujours mais dont ils tireront sans doute des enseignements quand ils auront grandi.
La faute à Fidel! débute par la mort de de Gaulle et se termine par celle d'Allende : deux évènements marquants que Julie Gavras relier implicitement (même découpage, même silence) pour mieux montrer que le monde est une question de perception. Pour un premier long métrage, sa perception à elle est déjà bien affinée. On attend de voir la suite.
7/10

12 janv. 2007

BAD TIMES

C'est fou ce que ça peut être révélateur, une affiche de film. celle de Bad times n'a apparemment rien de spécial ; elle est même assez bâclée, avec sa grosse tronche de Bale floue et granuleuse au premier plan. L'intérêt de l'affiche, c'est plutôt ce qui s'y trouve inscrit.
Première accroche : "par le créateur de Training day". On ne s'en serait pas douté, tiens, tant Bad times tient de la photocopie. Deux mecs sillonnent la ville en bagnole, jouent un peu du flingue, tâtent de la drogue, et montrent un double visage (celui qui va être engagé par les fédéraux est une charogne, le pique-assiettes latino un bon gars). Sauf que là où Training day était transcendé par son unité de temps (une unique journée), par son interprétation (Denzel Washington enfin différent) et par une véritable intrigue, Bad times est une simple errance sans but ni message, où les péripéties vécues par les personnages n'apportent strictement rien.
Seconde accroche, en bas de l'affiche : "Peut-on trouver la rédemption dans les rues de L.A.?". Rires. Car Bad times n'a à peu près rien à voir avec la notion de rédemption. On sait que les publicitaires n'ont pas toujours vu les films quand ils créent les affiches. Mais là, ce message inapproprié reflète bien la relative vacuité du film, qui n'entend rien démontrer, juste quelques images choc (dont un égorgement surprise, qui fera sursauter les moins attentifs) et plein de thèmes à la mode (les pétasses, la came, les guns, t'as vu).
Dans le rôle principal, Christian Bale est bon (la routine) mais lui-même ne semble pas croire à ce qu'il joue. On le comprend. Plus le film avance vers la fin, plus on s'approche du gouffre du ridicule. Et on plonge dedans la tête la première (forcément, Bad times finit mal, mais les évènements malheureux sont à la fois artificiels et très prévisibles). La petite anecdote sympa du film, c'est que David Ayer a hypothéqué sa maison pour pouvoir le financer. Souhaitons pour le bien de sa famille qu'un bon paquet de gangstas d'opérette aillent voir son film et le kiffent grave. Nous, on passe.
3/10

11 janv. 2007

LE SERPENT

Hitchcockien. Machiavélique. Vénéneux. Ce Serpent-là a reçu bien des louanges pour le moins surgonflées. Vendu comme un thriller à la française ("mais à l'américaine"), le film raconte la gigantesque (hum) machination orchestrée par un type pour se venger d'un autre. Le problème, c'est que ni le motif de la vengeance ni le principe même de cette vengeance n'ont quoi que ce soit d'original.
On se demande bien pourquoi Le serpent, roman de Ted Lewis, a attiré Eric Barbier, cinéaste dit maudit, pour son retour au cinéma après de longues années d'absence. Profils psychologiques d'une faiblesse sans nom (l'unique faille du grand méchant est une sacrée aberration), rouages mal huilés, invraisemblance chronique : on a déjà vu (et lu) des milliers d'histoires de manipulation mieux troussées et plus crédibles. Mise en scène correcte mais sans saveur ; acteurs impliqués mais plus ou moins convaincants (face à un Yvan Attal impec dans le rôle "facile" de la proie, Cornillac peine à trouver le ton juste et se révèle aussi effrayant qu'un serpent en peluche)... Rien ne semble devoir distinguer Le serpent de la masse des thrillers sortis depuis un siècle.
Pourtant, par endroits, le film engendre une vraie tension, une angoisse presque palpable due à une noirceur très travaillée (superbe travail sur le son). Ce n'est pas le genre de polar gagné d'avance où l'on est certain que le héros va l'emporter et garder avec lui tous ceux qu'il aime (ptêt bin qu'oui, ptêt bin qu'non). C'est dans ces moments un peu éphémères que Le serpent parvient à convaincre, sans malheureusement confirmer ses belles promesses.
5/10

APOCALYPTO

Drôle de film. Le projet de Mel Gibson était alléchant (en tout cas plus que celui de La passion du Christ) : tourner un film en langue maya, avec des acteurs amateurs, pour mieux rendre hommage à une civilisation perdue. Aujourd'hui, cette ambition semble tout de même un peu vaine. Car passée la puissance du challenge, on se demande un peu quel était le vrai objectif de Mel Gibson. Livrer un film d'aventures? Une reconstitution historique? Un survival? On ne sait pas. Le cul entre deux chaises, on attend.
Apocalypto démarre comme la peinture de la vie d'un peuple, et l'on sent tout de suite que Gibson ne sait pas trop où il est. A une scène sérieuse comme un croque-mort succède une autre de comédie grasse (avec bouffage de couilles de tapir et tout et tout). Une fois sa description effectuée, Gibson passe à la partie guerilla. Combats, abjections, gorges tranchées : tout y passe. Vient ensuite la partie "sacrifice rituel", sans doute l'une des plus impressionnantes, où l'on extrait le coeur des ennemis vivants pour l'offrir au dieu local. Enfin arrive la dernière tranche de ce gâteau hétéroclite : une course poursuite assez haletante entre le gentil de service et un bon tas de méchants prêts à tout pour le buter. Là, Gibson libère la bête qui est en lui et livre quelques images gore assez inattendues : sang qui gicle, gueule bouffée par un animal sauvage (gare au jaguar)...
Au final, Apocalypto apparaît comme une oeuvre pas inintéressante mais dont l'indécision totale à se trouver un sujet provoque des dégâts considérables. D'autant que la mise en scène est elle-même assez hétérogène : si certaines images sont magnifiques (têtes dévlant les escaliers des pyramides mayas), d'autres sont d'une laideur sans nom (nombreux plans de coupe sur soleil couchant). La prochaine fois, si Gibson se lance à nouveau dans un projet ethnico-aventureux, il serait bon que tout cela soit un minimum justifié. Sans quoi son film sentira uniquement le coup de pub.
5/10

10 janv. 2007

L'INCROYABLE DESTIN DE HAROLD CRICK

Voilà un pitch digne de Charlie Kaufman : un matin, un type ordinaire se réveille et découvre que sa vie est désormais commentée par une narratrice au fur et à mesure qu'il la vit. D'abord déboussolé, il finit par accepter cette idée ; jusqu'à ce que la voix annonce sa mort prochaine...
Un concept original et potentiellement ravageur. D'autant qu'au lieu d'étirer son concept à loisir (à la manière de Kaufman dans l'excellent mais torturé Adaptation.), le jeune scénariste Zach Helm préfère dessiner un portrait tendre au burlesque teinté de spleen. Si Harold Crick est victime d'une telle mésaventure, c'est sans doute parce que sa vie est trop banale, rythmée par des préceptes débiles (compter le nombre de mouvements de sa brosse à dents) mais surtout pleine de vide.
Autour du génial Will Ferrell (aussi bon en clown triste que dans son habituel rôle de gros débile), Marc Forster a réuni un casting hétéroclite et vraiment convaincant, de Maggie Gyllenhaal à Dustin Hoffman. Mais si la direction d'acteurs est sans faille, la réalisation relève de l'abomination : l'image est laide, presque sale, et le cadre franchement négligé. Dommage que Forster ne se soit pas appliqué à rendre hommage à l'originalité du propos en mettant un peu de vie et de surprises dans son univers visuel.
Au final, L'incroyable destin de Harold Crick sonne comme un film ludique et touchant. Pas plus. Sans doute parce qu'une fois encore, le concept a tué l'âme même du film. Les bons moments sont légion, mais on attend toujours plus d'un sujet pareil. Le film signe en tout cas la naissance d'un acteur crédible (Ferrell) et celle d'un scénariste singulier (Helm, dont le premier film en tant que réalisateur a l'air bien barré). C'est déjà énorme.
6/10

UNE GRANDE ANNÉE

Passée la surprise de voir Ridley Scott s'attaquer à un sujet aussi classique et superficiel, il est encore possible de trouver un semblant d'intérêt à Une grande année. Cousue de fil blanc, l'histoire de ce trader au coeur sec qui va finir par fondre pour la Provence, ses vignobles et la fille qui va avec? Totalement, oui ; pourtant, on marcherait presque.
Il faut dire que la maladresse de Scott à faire de la comédie donnerait presque du charme au film. Montage souvent saccadé, filmage à la sauce vidéoclip, effets visuels inappropriés pour mettre en valeur des gags un peu faibles... Par moments, on jurerait que Ridley a passé la caméra à son frère Tony-le-surexcité (ou qu'il s'est enfilé deux bouteilles avant de tourner). Et puis Russell Crowe joue très bien les sales cons (rôle de composition? pas sûr du tout), face à uen Marion Cotillard très en forme(s).
On pouvait craindre une vision ultra stéréotypée de la France profonde, et pourtant il n'en est (presque) rien. Les Français et les Anglais sont traités à valeur égale : chaque camp en prend gentiment pour son grade, sans verser dans les clichés "bérêt-baguette contre parapluie dans le cul". Et si la petite ville provençale où se situe le film a des airs de carte postale pour touristes, c'est parce que c'est également le cas dans la vraie vie.
Il suffit alors de se boucher les oreilles pour oublier que la chanson "Lolita" d'Alizée n'a rien à faire là, et de se faire rapidement à la présence de Didier Bourdon dans un Ridley Scott. Alors Une grande année s'impose comme un divertissement sans aucune prétention, ni celle de nous surprendre, ni celle de nous faire pisser de rire. Au pays des grands crus, le film ressemble en fait à un tout petit rosé servi très frais : idéal pour étancher la soif, possiblement grisant en fin de soirée, mais aussitôt bu aussitôt oublié.
5/10

LE VIOLON

Bienvenue au Mexique. Sa nourriture épicée, ses sombreros, sa guerilla. Les premières images sont terribles : en plan fixe, noir et blanc charbonneux, on menace, on torture, on viole. La pitié n'est pas de mise. Mais le film s'adoucit aussitôt : après ce début choc, Francisco Vargas se tourne vers la fable politico-naïve pour mieux montrer l'absurdité de cette guéguerre. SOn héros est un très vieux monsieur, Don Plutarco, qui copine avec un colonel, lui joue du violon, promet de lui apprendre. Tout cela pour mieux le tromper et lui voler des munitions.
Sur un rythme lent mais pas vraiment contemplatif, Vargas livre un film bourré d'images magnifiques et de scènes intenses. On pense souvent à Soy Cuba, même si jamais Le violon n'atteint la perfection esthétique et la virtuosité narrative du film de Kalatozov. Il y a également du Loach chez Vargas ; mais un Loach moins militant, plus tendre avec ses personnages. Avec sa main amputée, Don Plutarco ne sort plus guère de jolies notes de son violon. C'est à la fois un gag implicite et une sorte de cri de désespoir : à l'image du héros, le Mexique n'aurait-il pas perdu tout ce pour quoi il était doué?
La fin du Violon, cruelle et amère, poursuit dans cette voie. Et confirme que Francisco Vargas, s'il ne brûle pas les étapes (en suivant par exemple ses congénères mexicains de l'autre côté de la frontière), est un jeune réalisateur à suivre.
6/10

9 janv. 2007

LE GRAND APPARTEMENT

De bons acteurs, c'est essentiel. Voilà une affirmation pleine de bon sens, et surtout complètement banale. C'est pourtant la réaction principale que suscite ce surprenant Grand appartement, dont on n'attendait strictement rien. Il faut dire que Pascal Thomas est habituellement un réalisateur complètement dénué d'intérêt. Des films vieillots, empesés, grotesques, regroupant le pire de ce que peut offrir le cinéma français. Et c'est là que les acteurs se révèlent essentiels : car en employant le duo Mathieu Amalric - Laëtitia Casta, Thomas fait des étincelles avec ce qui d'habitude sent le sapin.
Rétrospectivement, on se dit que le scénario du Grand appartement n'a rien de formidable. La magie du film, c'est que pendant une centaine de minutes, on s'en fout complètement. Et pour cause. La môme Casta est tout bonnement épatante : fraîche, dynamique, enjouée, et plus convaincante que jamais, elle porte le film sur ses épaules. Face à elle, Mathieu Amalric rappelle qu'il n'est pas le meilleur acteur de France pour rien. Leur couple improbable est une vraie réussite de casting. Quant au troisième larron, Pierre Arditi, ses sourcils constamment froncés sont pour une fois parfaitement dans le ton. Résultat : le film part dans tous les sens, multiplie les bons mots plus ou moins réussis, passe du coq à l'âne, s'autorise des digressions d'un goût discutable... et séduit par sa folie et son charme rétro (mais pas vieille France). L'inconstance du film (on peut passer en quelques secondes de Woody Allen à Claude Lelouch) en est presque une qualité. Indescriptible.
Ce qui est sûr, c'est que Thomas est bien plus à l'aise avec un casting jeune. Souhaitons qu'à l'avenir il oublie les Catherine Frot et André Dussollier (souvent bons ailleurs, mais jamais chez lui) pour se pencher davantage vers une nouvelle génération qui, à coup sûr, lui offrira une inspiration nouvelle.
7/10

7 janv. 2007

THE HOLIDAY

Ça commence comme un calvaire. Nancy Meyers propose les histoires croisées de deux jeunes femmes qui ne se connaissent pas mais partagent les même souffrances les hommes, tous des bâtards) et la même solitude. Hystérie, surjeu, larmes de crocodile, bavardages incessants : si la première heure de The holiday ressemble à des vacances, alors elles se déroulent certainement en enfer. Envie de foutre des claques à Cameron Diaz, envie de secouer cette pauvre Kate Winslet, envie de quitter la salle.
Que les chiennes de garde passent leur chemin, elles risqueraient de prendre la mouche : si The holiday finit par devenir un spectacle sympathique et plutôt mignon, c'est uniquement grâce aux hommes. Quand ceux-ci entrent en scène, ils apportent la fraîcheur dont on manquait cruellement depuis le début. Il y a d'abord Jude Law, play-boy attachant et effronté ; Eli Wallach, de plus en plus vieux mais toujours aussi savoureux ; et surtout le grand Jack Black, inattendu dans un film de ce genre, mais dont les mimiques et l'énergie apportent beaucoup au film. Grâce à ces trois-là, on peut enfin s'amuser un peu ; et même si The holiday n'a rien de follement original, si l'happy end est un peu forcée, la dernière impression laissée par le film est bien meilleure que l'état d'accablement dans lequel nous avait laissé le début.
4/10
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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