Projet ambitieux que celui de Clint Eastwood : deux films à propos d'un même évènement, la bataille d'Iwo Jima, petit atoll japonais au centre de toutes les convoitises. Avant le point de vue japonais, Letters from Iwo Jima, voici Mémoires de nos pères, vision américaine du conflit.
Sachant que les Américains ont vaincu les Japonais, et au vu du titre, on pouvait craindre un film de guerre lambda à la gloire de la bannière étoilée. Il n'en est rien. Si les séquences de guerre sont bien présentes (et plutôt bien exécutées, même si sans génie), elles occupent à peine la moitié du film. Car le vrai objectif d'Eastwood et de son désormais fidèle second Paul Haggis, c'est de démonter consciencieusement les notions d'héroïsme et de patriotisme. Raconté sur trois époques (la bataille, les lendemains qui chantent ou pas, et les souvenirs d'anciens combattants meurtris), Mémoires de nos pères raconte l'histoire de trois soldats sortis vivants de la guerre, et que l'Amérique érige en héros pour la seule raison qu'ils figurent sur la photo qui a fait la une de tous les journaux du pays et redonné du moral aux troupes. Trois jeunes types qui n'ont rien demandé, blessés moralement par une guerre trop grande pour eux, dans laquelle ils n'ont cherché qu'à sauver leur cul, sans jamais accomplir quoi que ce soit d'héroïque. Seulement, parce que le gouvernement a besoin d'eux pour lever des fonds, et parce que les USA ont besoin de héros, ils deviennent malgré eux des stars ultimes. Plusieurs façons de vivre cela : assumer et fermer sa gueule, jouer la carte de l'agressivité, ou sombrer dans la picole. À l'aide d'une narration (trop) alambiquée, multipliant les retours en arrière à plusieurs niveaux, Eastwood entend montrer que l'héroïsme n'est qu'une vue de l'esprit et qu'on n'est vraiment un héros que dans les yeux de ceux qu'on aime. C'est à la fois louable et un peu trop sirupeux : en particulier, on se serait bien passé de ces images de vieillards agonisants qui déclament leur amour et leurs regrets entre deux filets de bave.
D'un classicisme irréprochable mais manquant un brin de relief, la mise en scène de Clint Eastwood sert parfaitement le propos mais empêche le film de devenir autre chose qu'un futur classique un peu suranné, dont on laissera le DVD prendre la poussière entre un John Ford et un Malick.
6/10
DIAMANT BRUT
Il y a 17 heures
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