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6 févr. 2009

ÉLÈVE LIBRE

C'est donc confirmé : Joachim Lafosse est un grand, un vrai grand, un jeune réalisateur qui n'est déjà plus un espoir mais bel et bien un cinéaste confirmé. En trois films, ce trentenaire belge a démontré qu'il était non seulement un filmeur hors pair, mais également un brillant raconteur d'histoires, sachant insuffler une perversité non feinte dans des situations a priori banales. Élève libre ne déroge pas à la règle, exploitant un postulat limite benêt (un ado en échec scolaire prépare un examen en candidat libre et connaît ses premiers émois sexuels) pour opérer un lent glissement vers des évènements bien moins ordinaires.
Même si son style est sensiblement différent de celui de Nue propriété (qui s'inscrivait davantage dans une notion de durée, notamment par le biais de longs plans-séquences), on retrouve la patte singulière de Lafosse, sa façon de filmer toujours alerte, et l'attention toute particulière qu'il semble porter à ses comédiens. Ceux-ci sont tout simplement magistraux, parfaits de justesse et ce même dans les scènes les plus difficiles à jouer. C'est notamment grâce à eux qu'Élève libre ne tombe jamais dans un ridicule avec lequel il ne cesse de flirter. On reconnaît certains metteurs en scène à leur façon de frôler la ligne jaune sans jamais la franchir. Lafosse est de ceux-là.
Alors que fleurissent encore et encore des oeuvres, à vocation comique ou tragique, sur la sexualité adolescente, Élève libre s'impose comme une sorte de nouveau mètre-étalon, appelant un chat un chat et n'hésitant pas à traiter certains thèmes très frontalement. Chacun des personnages va au bout de ses idées comme de ses actes. Le film ne se contente pas de citer Camus lorsqu'il évoque la nécessité des expériences diverses : il applique ce principe à lui-même, laissant pantois par son culot autant que par sa maîtrise. Comme un vieux briscard, Lafosse est de plus assez malin pour éviter la facilité d'une fin toc et choc, nous plantant là avec un bon milliard de questions en friche. Joli coup.
8/10
(également publié sur Écran Large)

(autre critique sur Tadah ! Blog)

21 mars 2007

NUE PROPRIÉTÉ

La Belgique a de beaux jours devant elle : depuis quelques années, le plat pays a vu éclore quelques jeunes réalisateurs fort prometteurs. C'est le cas de Joachim Lafosse, dont Nue propriété est le deuxième long métrage (le premier, acclamé dans les festivals, est malheureusement inédit chez nous). Un film irrémédiablement séduisant qui parvient à faire du neuf avec du vieux. Ça commence par des rires : quinquagénaire pimpante, Pascale vit dans la maison familiale avec ses deux fils pas loin d'être trentenaires, et entre eux règne une complicité assez désopilante. Dès le début, le talent de Lafosse nous saute au visage : enfin un metteur en scène qui sait diriger Isabelle Huppert. On ne l'avait pas vue aussi convaincante depuis (au moins) La cérémonie. Face à elle, une excellente idée de casting : engager des frères pour jouer des frères. La complicité de Jérémie et Yannick Rénier fait plaisir à voir ; qu'ils improvisent ou non, ces deux-là se connaissent par coeur et se renvonet la balle avec aisance. Il fallait de toute façon de très bons comédiens pour relever le défi de Lafosse, qui utilise beaucoup (et à très bon escient) les longs plans fixes pour rendre le dialogue plus naturel.
Au fur et à mesure, le côté rigolard du film laisse place à une tonalité plus sombre, où le malaise s'insinue partout. Il n'y a pourtant rien de spécialement inquiétant dans l'intrigue du film : Nue propriété met simplement en scène la relation étrange entre une mère et ses deux fils trop vieux pour habiter avec elle, qui s'opposent à son désir de vendre la maison pour aller voir ailleurs. Pourtant, il y a quelque chose de pourri au royaume de Belgique. Et par petites touches, comme si de rien n'était, Lafosse enfonce ses personnages dans un marasme de micro-haines et d'énormes rancoeur. On sent une véritable maîtrise sur tous les plans, tant au niveau de la mise en scène (ambitieuse et modeste, parfaitement adaptée su sujet) que des partis pris d'écriture. Fonctionnant beaucoup sur les non-dits, Nue propriété dérange d'autant plus lorsque le spectateur en vient à se demander s'il n'y aurait pas un peu d'amour incestueux entre ces trois-là. Mais Joachim Lafosse se refuse à en dire plus, laissant chacun se faire son propre film.
La toute dernière partie, qui arrive de façon inattendue, pourrait sembler de trop, rompant un peu la belle ligne conduite d'un film sobre et racé. Mais non : sachant exactement où il va, le réalisateur se contente d'offrir une conclusion finalement logique à une histoire comme celle-ci. Aussi beau que son titre, Nue propriété séduit de part en part, et révèle un metteur en scène à suivre de très près.
8/10
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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