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9 avr. 2009

VILLA AMALIA

Vingt ans que Benoît Jacquot travaille encore et encore le même personnage, celui d'une femme qui choisit délibérément de s'abandonner. À un lieu, une personne, une croyance. Pas étonnant qu'il ait choisi d'adapter le roman de Pascal Quignard, dont l'héroïne présente exactement le même profil. Musicienne renommée, en couple avec un type ordinaire qui la trompe, elle décide de lâcher prise et de se volatiliser, se séparant de tous ses biens et coupant tout contact avec ses connaissances. Toutes sauf une : Georges, ami d'enfance récemment retrouvé, qu'elle choisit comme garant de son projet, confiant à lui et lui seul les tenants et les aboutissants sa vie d'après. On a déjà vu des personnages tout plaquer pour changer de vie, et/ou quitter la matérialité du monde moderne pour aller vers le dénuement et donc la richesse intérieure. Ann n'a rien à voir avec eux : elle laisse tout derrière elle par lassitude, son seul projet étant, pour résumer trivialement, qu'on lui foute la paix. Elle finira par trouver un havre de paix (la villa Amalia du titre) où réaliser son idée.
Après une période d'errance stylistique, Jacquot a visiblement retrouvé du grain à moudre et met parfaitement en scène le drôle d'état dans lequel se trouve Ann, prise dans une lente phase de transition entre deux existences. À la vision angoissante d'un appartement blanc et vide comme l'enfer succèdera celle d'une mer bleue et calme, aux mouvement imperceptibles et hypnotiques. Pour autant, cette vision n'a rien de binaire : Villa Amalia ne nous fait jamais le coup du "c'est mieux ailleurs" et du dépliant touristique, montrant à travers le personnage de Jean-Hugues Anglade que malgré le changement, l'angoisse est toujours là. Isabelle Huppert est l'évidence même (presque trop) pour ce rôle de femme antipathique mais magnétique, renforçant le caractère inconfortable de ce curieux film qui réussit à poser une atmosphère par très petites touches. Certaines séquences sont bouclées en l'espace de trois plans, et bien bouclées. Preuve que derrière la caméra se trouve un excellent metteur en scène.
8/10
(également publié sur Écran Large)

(autre critique sur Tadah ! Blog)

21 mars 2007

NUE PROPRIÉTÉ

La Belgique a de beaux jours devant elle : depuis quelques années, le plat pays a vu éclore quelques jeunes réalisateurs fort prometteurs. C'est le cas de Joachim Lafosse, dont Nue propriété est le deuxième long métrage (le premier, acclamé dans les festivals, est malheureusement inédit chez nous). Un film irrémédiablement séduisant qui parvient à faire du neuf avec du vieux. Ça commence par des rires : quinquagénaire pimpante, Pascale vit dans la maison familiale avec ses deux fils pas loin d'être trentenaires, et entre eux règne une complicité assez désopilante. Dès le début, le talent de Lafosse nous saute au visage : enfin un metteur en scène qui sait diriger Isabelle Huppert. On ne l'avait pas vue aussi convaincante depuis (au moins) La cérémonie. Face à elle, une excellente idée de casting : engager des frères pour jouer des frères. La complicité de Jérémie et Yannick Rénier fait plaisir à voir ; qu'ils improvisent ou non, ces deux-là se connaissent par coeur et se renvonet la balle avec aisance. Il fallait de toute façon de très bons comédiens pour relever le défi de Lafosse, qui utilise beaucoup (et à très bon escient) les longs plans fixes pour rendre le dialogue plus naturel.
Au fur et à mesure, le côté rigolard du film laisse place à une tonalité plus sombre, où le malaise s'insinue partout. Il n'y a pourtant rien de spécialement inquiétant dans l'intrigue du film : Nue propriété met simplement en scène la relation étrange entre une mère et ses deux fils trop vieux pour habiter avec elle, qui s'opposent à son désir de vendre la maison pour aller voir ailleurs. Pourtant, il y a quelque chose de pourri au royaume de Belgique. Et par petites touches, comme si de rien n'était, Lafosse enfonce ses personnages dans un marasme de micro-haines et d'énormes rancoeur. On sent une véritable maîtrise sur tous les plans, tant au niveau de la mise en scène (ambitieuse et modeste, parfaitement adaptée su sujet) que des partis pris d'écriture. Fonctionnant beaucoup sur les non-dits, Nue propriété dérange d'autant plus lorsque le spectateur en vient à se demander s'il n'y aurait pas un peu d'amour incestueux entre ces trois-là. Mais Joachim Lafosse se refuse à en dire plus, laissant chacun se faire son propre film.
La toute dernière partie, qui arrive de façon inattendue, pourrait sembler de trop, rompant un peu la belle ligne conduite d'un film sobre et racé. Mais non : sachant exactement où il va, le réalisateur se contente d'offrir une conclusion finalement logique à une histoire comme celle-ci. Aussi beau que son titre, Nue propriété séduit de part en part, et révèle un metteur en scène à suivre de très près.
8/10
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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