
Admirable en tous points (mais pas sanctifié pour autant), Harvey Milk est un personnage ô combien charismatique, que seul pouvait incarner un acteur de la trempe de Sean Penn. On sait combien ce formidable artiste peine parfois à sa maîtriser, quitte à en faire trop ; dirigé par un Gus van Sant que l'on sent toujours à l'écoute, il est juste parfait. Son Milk respire l'intelligence, la sensibilité, ainsi qu'un bonheur permanent à défendre ce à quoi il croit. C'est d'ailleurs le cas de la plupart de ceux qui l'entourent, tel le jeune activiste Cleve Jones, incarné par un Emile Hirsch plus renversant que jamais. Le reste du casting est uniformément bon, masculin à 99%, le scénario ne manquant pas d'épingler le léger mépris de beaucoup de ces militants gays à l'encontre de lesbiennes longtemps tenues à distance.
Si Milk est à placer un cran au-dessus de toutes les biographies politiques, c'est sans doute car, au-delà de la force de l'interprétation et du script, il tire sa force de la mise en scène éblouissante de Gus van Sant. Son style n'est pas immédiatement reconnaissable, mais se distingue par sa façon de tenir le classicisme à distance. Au premier abord, la forme du film n'a rien de vraiment singulier. Et c'est la force de cette mise en scène : montrer autrement, mais discrètement. Livrer une reconstitution très précise, mais sans le dire (seul l'épilogue, en quelques photographies, montrera à quel point les visages, costumes et décors ont été respectés). Rendre les discours intenses, mais sans les transformer en joutes verbales. Filmer la colère et la tristesse des manifestants, évoquer la probabilité d'émeutes imminentes, mais ne pas faire du Spike Lee. Évoquer à demi-mots l'homosexualité refoulée du superviseur (et futur assassin) Dan White (épatant Josh Brolin). Et défendre les homos sans verser dans le film à thèse. C'est non seulement par ce qu'il est, mais aussi et surtout par ce qu'il ne fait pas que Harvey Milk s'impose comme un chef d'oeuvre, scotchant de la première à la dernière image, émouvant jusqu'au bout, de ceux qui vous accompagneront longtemps, indépendamment de votre orientation sexuelle.
10/10
(autre critique sur L. aime le cinéma)