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8 mars 2009

HARVEY MILK

Si c'est demandé gentiment, est-il possible d'annuler les résultats des Oscars et d'attribuer toutes les statuettes à Milk ? Non ? Tant pis. C'est pourtant tout ce que mérite le dernier chef d'oeuvre d'un Gus van Sant qu'on attendait de pied ferme après la fin (provisoire ?) de sa phase cotonneuse et contemplative, à savoir Gerry - Elephant - Last days - Paranoid Park. Plus classique en apparence, Harvey Milk est un grand film humaniste sur la force des convictions, le prix de la persévérance, l'éducation à l'ouverture. Autant biopic que film politique, il déroule une huitaine d'années de l'existence de cet ancien assureur qui passe un jour à l'action pour défendre la cause homosexuelle. Partant de l'idée que faire évoluer les mentalités dans un quartier de San Francisco permettra de changer les choses à plus grande échelle, il est d'abord militant, avant de briguer des mandats politiques qui pourraient lui permettre de faire réellement avancer le pays. La beauté de ce parcours réside dans le fait que la quête de Milk est tout à fait sincère et naturelle, dénuée de tout calcul et de toute ambition personnelle. S'il lui faudra pratiquer çà et là un peu de politique politicarde, c'est toujours au service d'une et une seule cause.
Admirable en tous points (mais pas sanctifié pour autant), Harvey Milk est un personnage ô combien charismatique, que seul pouvait incarner un acteur de la trempe de Sean Penn. On sait combien ce formidable artiste peine parfois à sa maîtriser, quitte à en faire trop ; dirigé par un Gus van Sant que l'on sent toujours à l'écoute, il est juste parfait. Son Milk respire l'intelligence, la sensibilité, ainsi qu'un bonheur permanent à défendre ce à quoi il croit. C'est d'ailleurs le cas de la plupart de ceux qui l'entourent, tel le jeune activiste Cleve Jones, incarné par un Emile Hirsch plus renversant que jamais. Le reste du casting est uniformément bon, masculin à 99%, le scénario ne manquant pas d'épingler le léger mépris de beaucoup de ces militants gays à l'encontre de lesbiennes longtemps tenues à distance.
Si Milk est à placer un cran au-dessus de toutes les biographies politiques, c'est sans doute car, au-delà de la force de l'interprétation et du script, il tire sa force de la mise en scène éblouissante de Gus van Sant. Son style n'est pas immédiatement reconnaissable, mais se distingue par sa façon de tenir le classicisme à distance. Au premier abord, la forme du film n'a rien de vraiment singulier. Et c'est la force de cette mise en scène : montrer autrement, mais discrètement. Livrer une reconstitution très précise, mais sans le dire (seul l'épilogue, en quelques photographies, montrera à quel point les visages, costumes et décors ont été respectés). Rendre les discours intenses, mais sans les transformer en joutes verbales. Filmer la colère et la tristesse des manifestants, évoquer la probabilité d'émeutes imminentes, mais ne pas faire du Spike Lee. Évoquer à demi-mots l'homosexualité refoulée du superviseur (et futur assassin) Dan White (épatant Josh Brolin). Et défendre les homos sans verser dans le film à thèse. C'est non seulement par ce qu'il est, mais aussi et surtout par ce qu'il ne fait pas que Harvey Milk s'impose comme un chef d'oeuvre, scotchant de la première à la dernière image, émouvant jusqu'au bout, de ceux qui vous accompagneront longtemps, indépendamment de votre orientation sexuelle.
10/10

(autre critique sur L. aime le cinéma)

16 déc. 2008

MISTER LONELY

Il a un peu trop goûté à l'héroïne, perdu ses scénarios dans un incendie, entré dans une secte, fait le maître-nageur puis travaillé dans le bâtiment. Après quelques années difficiles, revoilà enfin Harmony Korine, 35 balais et regonflé à bloc. La parenthèse ouverte après Julien donkey-boy est donc refermée, et c'est un Korine plus mûr qui nous présente Mister lonely, son dernier bébé. Ou le portrait d'une bande de sosies, vivant retranchés de la société pour échapper au regard moqueur des quidams et préparer ensemble un grand spectacle. Évidemment, on est bien loin de Podium : après une rapide présentation du héros, sosie de Michael Jackson, on découvre avec lui les Highlands écossais, leur calme plat, leurs paysages à perte de vue. Le début d'une longue introspection.
S'ils se représentent d'abord à travers la personne qu'ils tentent de copier avec plus ou moins de réussite, ces gens-là sont d'abord des êtres solitaires, en marge, peinant à vivre à travers le regard des autres. Cette désorientation est au coeur d'un film à la ligne dramatique plus que ténue : Mister lonely ressemble davantage à un collage de petits moments plus ou moins forts qu'à un véritable long-métrage. Cette absence de cohésion et de direction est sans nul doute la talon d'Achille d'un film qui semble n'aller nulle part. Heureusement, il y a la belle mise en scène d'un Korine plus sûr de lui qu'avant mais toujours aussi sensibles aux fêlures et autres détails qui font et défont les individus.
Si Diego Luna (Bambi) et Samantha Morton (Marilyn) sont assez irréprochables, on doit les plus beaux moments du film à Denis Lavant, qui campe un Chaplin au moins aussi lunaire que l'original, et qui met à profit ses talents de saltimbanque pour créer une sorte de magie assez troublante. On s'attache à cet homme, le plus blessé de tous, qu'on aurait voulu voir davantage. Quand les lumières se rallument, on ne pense qu'à lui, gagné par la frustration de n'avoir pas fait plus ample connaissance. Korine a encore du travail pour (re)devenir le petit génie qui fit les beaux jours d'un certain cinéma indépendant, mais il a sans nul doute retrouvé le goût de l'écriture et de la mise en scène. Même si le film convainc moyennement, on est en droit de s'en féliciter.
5/10
(également publié sur Écran Large)
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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