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4 avr. 2009

DUPLICITY

Oubliez tout ce que vous avez pu voir dans le genre : Duplicity est un coup de pied dans la fourmillière hollywoodienne, le divertissement ultime, plus classe et brillant tu meurs. Aux manettes, Tony Gilroy, promu roi Midas du scénario grâce à la trilogie Bourne et à l'épatant Michael Clayton. Il nous offre un film de braquage sans braquage, un Ocean's eleven plus fun et moins tape-à-l'oeil, jouissif pour les yeux comme pour les oreilles. Dialoguiste hors pair, Gilroy a brodé une intrigue aux petits oignons, d'autant plus puissante qu'elle utilise la parole comme arme principale. Toutes proportions gardées, on songe par instants à des chefs d'oeuvre comme Le limier, traquenards faits films dans lesquels on se plait à tomber.
Car Duplicity est un puzzle de deux heures, qui se construit pièce par pièce avec une précision d'horloger et une jubilation permanente, et ne dévoile sa pleine valeur qu'une fois totalement bouclé. Rarement une structure en flashback aura été aussi maîtrisée, aussi judicieuse. Là où bien des scénaristes en usent comme d'un artifice destiné à masquer les trous de leur intrigue, Gilroy fait du retour en arrière un sacerdoce, relançant l'intérêt à intervalles réguliers, et toujours uniquement par la force du dialogue. Il bénéficie de l'abattage conséquent d'une Julia Roberts qui vieillit plus que bien, et surtout d'un Clive Owen de plus en plus essentiel. Il y a chez lui quelque chose de moins désinvolte que chez le mètre-étalon George Clooney, un truc qui nous convainc que tout cela est du cinéma et pas une pub Nespresso. Les seconds rôles ne sont d'ailleurs pas en reste : même si le climax de leur affrontement a lieu dès le générique (scène d'un absolu génie comique et filmique), et même s'ils sont trop peu présents par la suite, Tom Wilkinson et Paul Giamatti complètent idéalement le tableau.
On a vendu le film comme une simple mise en image glamour d'une intrigue sans grand intérêt. Faux, archifaux : il ya plus de matière dans cette histoire d'espionnage industriel que dans bien des polars se prenant au sérieux. Même complexes, les rouages de l'ensemble sont parfaitement compréhensibles pour peu que l'on s'accroche un brin, Gilroy étant des cinéastes qui comptent pleinement sur l'intelligence du spectateur. À condition de faire le travail, il y a un vrai plaisir à relier les scènes ensemble, à disséquer cette affaire ô combien retorse. Tant pis pour ceux qui n'y verront qu'un vague produit hollywoodien : Duplicity confirme l'incroyable talent de Tony Gilroy, raconteur hors pair, filmeur baroque et réaliste, capable en un plan ou une réplique de réinventer totalement un cinéma qu'on pensait avoir exploré de A à Z. Voilà un film qui gagnera à être revu dans quelques années pour mesurer à quel point il se distingue du lot.
8/10

(autre critique sur Sur la route du cinéma)

8 mars 2009

HARVEY MILK

Si c'est demandé gentiment, est-il possible d'annuler les résultats des Oscars et d'attribuer toutes les statuettes à Milk ? Non ? Tant pis. C'est pourtant tout ce que mérite le dernier chef d'oeuvre d'un Gus van Sant qu'on attendait de pied ferme après la fin (provisoire ?) de sa phase cotonneuse et contemplative, à savoir Gerry - Elephant - Last days - Paranoid Park. Plus classique en apparence, Harvey Milk est un grand film humaniste sur la force des convictions, le prix de la persévérance, l'éducation à l'ouverture. Autant biopic que film politique, il déroule une huitaine d'années de l'existence de cet ancien assureur qui passe un jour à l'action pour défendre la cause homosexuelle. Partant de l'idée que faire évoluer les mentalités dans un quartier de San Francisco permettra de changer les choses à plus grande échelle, il est d'abord militant, avant de briguer des mandats politiques qui pourraient lui permettre de faire réellement avancer le pays. La beauté de ce parcours réside dans le fait que la quête de Milk est tout à fait sincère et naturelle, dénuée de tout calcul et de toute ambition personnelle. S'il lui faudra pratiquer çà et là un peu de politique politicarde, c'est toujours au service d'une et une seule cause.
Admirable en tous points (mais pas sanctifié pour autant), Harvey Milk est un personnage ô combien charismatique, que seul pouvait incarner un acteur de la trempe de Sean Penn. On sait combien ce formidable artiste peine parfois à sa maîtriser, quitte à en faire trop ; dirigé par un Gus van Sant que l'on sent toujours à l'écoute, il est juste parfait. Son Milk respire l'intelligence, la sensibilité, ainsi qu'un bonheur permanent à défendre ce à quoi il croit. C'est d'ailleurs le cas de la plupart de ceux qui l'entourent, tel le jeune activiste Cleve Jones, incarné par un Emile Hirsch plus renversant que jamais. Le reste du casting est uniformément bon, masculin à 99%, le scénario ne manquant pas d'épingler le léger mépris de beaucoup de ces militants gays à l'encontre de lesbiennes longtemps tenues à distance.
Si Milk est à placer un cran au-dessus de toutes les biographies politiques, c'est sans doute car, au-delà de la force de l'interprétation et du script, il tire sa force de la mise en scène éblouissante de Gus van Sant. Son style n'est pas immédiatement reconnaissable, mais se distingue par sa façon de tenir le classicisme à distance. Au premier abord, la forme du film n'a rien de vraiment singulier. Et c'est la force de cette mise en scène : montrer autrement, mais discrètement. Livrer une reconstitution très précise, mais sans le dire (seul l'épilogue, en quelques photographies, montrera à quel point les visages, costumes et décors ont été respectés). Rendre les discours intenses, mais sans les transformer en joutes verbales. Filmer la colère et la tristesse des manifestants, évoquer la probabilité d'émeutes imminentes, mais ne pas faire du Spike Lee. Évoquer à demi-mots l'homosexualité refoulée du superviseur (et futur assassin) Dan White (épatant Josh Brolin). Et défendre les homos sans verser dans le film à thèse. C'est non seulement par ce qu'il est, mais aussi et surtout par ce qu'il ne fait pas que Harvey Milk s'impose comme un chef d'oeuvre, scotchant de la première à la dernière image, émouvant jusqu'au bout, de ceux qui vous accompagneront longtemps, indépendamment de votre orientation sexuelle.
10/10

(autre critique sur L. aime le cinéma)
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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