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16 déc. 2008

MISTER LONELY

Il a un peu trop goûté à l'héroïne, perdu ses scénarios dans un incendie, entré dans une secte, fait le maître-nageur puis travaillé dans le bâtiment. Après quelques années difficiles, revoilà enfin Harmony Korine, 35 balais et regonflé à bloc. La parenthèse ouverte après Julien donkey-boy est donc refermée, et c'est un Korine plus mûr qui nous présente Mister lonely, son dernier bébé. Ou le portrait d'une bande de sosies, vivant retranchés de la société pour échapper au regard moqueur des quidams et préparer ensemble un grand spectacle. Évidemment, on est bien loin de Podium : après une rapide présentation du héros, sosie de Michael Jackson, on découvre avec lui les Highlands écossais, leur calme plat, leurs paysages à perte de vue. Le début d'une longue introspection.
S'ils se représentent d'abord à travers la personne qu'ils tentent de copier avec plus ou moins de réussite, ces gens-là sont d'abord des êtres solitaires, en marge, peinant à vivre à travers le regard des autres. Cette désorientation est au coeur d'un film à la ligne dramatique plus que ténue : Mister lonely ressemble davantage à un collage de petits moments plus ou moins forts qu'à un véritable long-métrage. Cette absence de cohésion et de direction est sans nul doute la talon d'Achille d'un film qui semble n'aller nulle part. Heureusement, il y a la belle mise en scène d'un Korine plus sûr de lui qu'avant mais toujours aussi sensibles aux fêlures et autres détails qui font et défont les individus.
Si Diego Luna (Bambi) et Samantha Morton (Marilyn) sont assez irréprochables, on doit les plus beaux moments du film à Denis Lavant, qui campe un Chaplin au moins aussi lunaire que l'original, et qui met à profit ses talents de saltimbanque pour créer une sorte de magie assez troublante. On s'attache à cet homme, le plus blessé de tous, qu'on aurait voulu voir davantage. Quand les lumières se rallument, on ne pense qu'à lui, gagné par la frustration de n'avoir pas fait plus ample connaissance. Korine a encore du travail pour (re)devenir le petit génie qui fit les beaux jours d'un certain cinéma indépendant, mais il a sans nul doute retrouvé le goût de l'écriture et de la mise en scène. Même si le film convainc moyennement, on est en droit de s'en féliciter.
5/10
(également publié sur Écran Large)

16 oct. 2008

TOKYO !

Contrairement à bien des films "à sketches", Tokyo ! peut presque être apprécié dans sa globalité au lieu d'être étudié segment par segment. Hétéroclite mais pas hétérogène, c'est une oeuvre pleine et passionnante, qui propose trois regards différents mais complémentaires d'une ville et des modes de vies dominants. On y retrouve pas mal de thèmes communs, dont une description de la misère sociale et de la solitude du tokyoïte. Mais pour une meilleure vue d'ensemble, mieux vaut disséquer chacun des tiers de ce film aussi curieux que fascinant.
Dans Interior design, Michel Gondry décrit avec sobriété le quotidien d'un jeune couple qui débarque à Tokyo pour s'y installer. Le film se transformera progressivement en un portrait de cette jeune femme qui souffre de se sentir inutile aux yeux des autres. Le cinéaste délaisse en grande partie les bricolages de ses précédents films, se contentant à juste titre d'observer la mutation de son héroïne, qui finira par se trouver une utilité. On plonge subitement dans la bizarrerie la plus totale, et l'on comprend mieux ce qui a intéressé Gondry dans cette histoire. Cette étrangeté latente n'empêche pas Interior design d'être également l'intéressante radiographie d'une jeunesse qui peine à faire sa place, au propre comme au figuré (les deux amoureux peinent à trouver du travail et à dénicher un appartement correct). C'est frais, c'est fin et c'est beau.
Vient ensuite l'insolite Merde, dans lequel Leos Carax démontre une surprenante envie de comique. Incarné par un Denis Lavant franchement repoussant, le héros du film se nomme Merde et est un ermite des égouts qui n'aime rien tant que semer la zizanie dans les rues de Tokyo. Sa rencontre avec un avocat (Jean-François Balmer, admirable), le seul ou presque à parler son drôle de dialecte, va faire des étincelles. Bien qu'un peu excessif et répétitif dans son délire, Merde dépeint avec férocité la peur de l'étranger et le racisme ordinaire. Une fois encore, la fantasmagorie finira par l'emporter. Bien qu'étant le moins "joli" des trois films, Merde est un machin trtès recommandable, qui montre notamment que Carax n'est pas que ce metteur en scène rigide, torturé et un peu chiant.
On finit en douceur avec Shaking Tokyo, description par Bong Joon-ho (The host) du quotidien d'un hikikomori. C'est quoi un hikikomori ? Une sorte d'ermite moderne, qui se refuse à sortir de chez lui et à croiser le moindre regard, faisant de sa vie et se son logis une sorte d'oeuvre d'art où les bouteilles d'eau et les cartons de pizza prennent un tout autre sens. Évidemment, le regard du héros va croiser celui d'une belle inconnue, rompant son voeu de solitude. Le scénario de Shaking Tokyo est sans doute le moins imprévisible, mais BJH s'en acquitte avec une telle délicatesse que l'on ne peut que s'exalter au contact de ces deux personnages.
Bonne idée que d'avoir placé le furieux film de Carax au milieu des deux autres : cela empêche tout déséquilibre et provoque une longue montée vers la folie avec une redescente progressive et cotonneuse. Dopé par des scénars originaux, Tokyo ! nous fait découvrir et aimer la capitale japonaise, sans pour autant prendre des allures de carte postale. C'est ce qu'on appelle un petit exploit.
8/10
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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