3 avr. 2007

SCANDALEUSEMENT CÉLÈBRE

C'est une évidence, mais cela nécessite tout de même d'être précisé : Scandaleusement célèbre souffre énormément de sa parenté évidente avec Truman Capote, très grand film sorti il y a à peine treize mois. Les films de Bennett Miller et Douglas McGrath racontent toutes les deux les circonstances assez troubles dans lesquelles Truman Capote a écrit son chef d'oeuvre, De sang-froid.
Impossible de voir Scandaleusement célèbre sans le comparer, scène après scène, à Truman Capote, d'autant que les deux films couvrent exactement la même période. On aimerait pouvoir subir un lavage de cerveau pour pouvoir vivre le film de McGrath comme une expérience nouvelle et non comme une photocopie. Malheureusement...
Au jeu des comparaisons, Scandaleusement célèbre ne sort pas grandi. Son réalisateur-scénariste opte pour une approche plus mondaine, plus compatissante, comme s'il approuvait totalement l'attitude pour le moins ambiguë de Capote le manipulateur. Cette compassion désarmante colle mal avec le titre original du film, Infamous, qui traduit bien la dualité malsaine qui caractérise l'écrivain. Faire ami-ami avec des criminels pour mieux réussir son approche romanesque, voilà un procédé que l'on ne peut décemment approuver. En fin de film, McGrath transforme brutalement Capote en un être ultra-sensible, qui pleurniche à l'idée de la mort des deux criminels alors qu'il n'attendait que ça quelques jours plus tôt. Après tout, pourquoi pas : c'était, en substance, le propos du film de Miller. Sauf que ce dernier avait réussi à dépeindre cette ambiguité permanente avec une rare finesse et une froideur distanciée seyant mieux que le traitement un peu racoleur de McGrath.
En fait, le metteur en scène semble avoir appréhendé cette histoire comme un simple fait divers digne de faire la couverture de VSD ou Paris Match. Scandaleusement célèbre commence comme un Woody Allen. Sur fond de musique jazzy, le héros enchaine les bons mots et fait marrer l'assemblée. C'est tout juste si l'on ne s'attend pas à ce que Truman Capote se mette à parler de psychanalyse et de judaïsme. Face caméra, on nous livre ensuite quelques témoignages (contradictoires) de proches, ceux-ci étant davantage traités comme des vignettes potentiellement comiques que comme les éléments d'une enquête rigoureuse. Le genre de parti pris qui convient mieux à un Accords et désaccords rigolard qu'à un Scandaleusement célèbre traitant d'un sujet grave.
Le côté tabloid du film est accentué par un casting bourré de stars, certaines étant parfois présentes pendant une minute avant de disparaître. À ce petit jeu, si Daniel Craig est très convaincant en meurtrier lettré, des prestations comme celle de Sandra Bullock (qui fait regretter Catherine Keener dans le rôle de Harper Lee) achèvenet de décrédibiliser le film. Tout ceci est fort regrettable, d'autant que Toby Jones fait un excellent Capote. Sans utiliser la technique Actor's Studio de Philip Seymour Hoffman, en mettant simplement à profit son physique rabougri et ingrat (et, tout de même, en modulant sa voix), il fait marquer des points importants à un film qui en a bien besoin. L'attraction du film, c'est lui, et lui seul.
Si Scandaleusement célèbre n'est donc pas franchement convaincant, reste que le bénéfice du doute profite à un film qu'on aurait sans doute ressenti différemment si l'on avait pu le voir dans un état de virginité temporaire.
4/10

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"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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