3 avr. 2007

SÉGO ET SARKO SONT DANS UN BATEAU...

Après avoir (trop) gentiment égratigné le président Jacques Chirac dans un "documentaire" récemment césarisé, Karl Zéro et Michel Royer reviennent avec un nouvel empilage d'images d'archives. Cette fois, plutôt que de viser un politicien en fin de carrière, les deux hommes ont choisi une approche un peu plus frontale en se concentrant sur Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, deux des douze candidats à l'élection présidentielle de 2007.
Visiblement satisfaits de leur film précédent, Royer et Zéro emploient à nouveau les mêmes techniques. Toujours aussi facile, toujours aussi discutable. Principal dada : juxtaposer deux images pour prouver à quel point nos politiques sont en contradiction avec eux-mêmes. Face à ces démonstrations parfois amusantes mais souvent triviales, on ne peut que rétorquer que 1) ce genre de démonstration peut fonctionner avec environ 99,9% de la population humaine mondiale (après tout, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis), et que 2) tout cela ne fait pas un film politique, contrairement à ce que semble penser Karl Zéro. Endossant cette fois le rôle du narrateur (c'est toujours mieux qu'une heure trente d'imitations de Didier Gustin), il commente ces images avec détachement, cigare au bec, feu de cheminée dans salon feutré, et se montre plus donneur de leçons que jamais.
Il n'y a qu'à jeter un oeil à l'affiche de Ségo et Sarko... pour comprendre à quel point le film est à côté de la plaque : l'une des accroches, cautionnée par les réalisateurs, dit fièrement "à voir avant de voter". Comme si un long enchainement de séquences anecdotiques pouvait s'avérer plus révélateur que des discours, des programmes, des débats. Considérer ce film comme un vecteur d'influence, c'est mettre la politique dans le caniveau, rendre le bulletin électoral à peine plus important que le SMS envoyé à la Nouvelle Star. Et ça, définitivement, c'est inacceptable.
Restent quelques images à peu près inédites qui ne pourront que faire sourire : amusant de voir les jeunes Royal et Sarkozy affirmer leur personnalité et leurs convictions avec un enthousiasme affirmé. Le film souffre d'ailleurs d'un certain déséquilibre fort compréhensible : il y a beaucoup plus d'images concernant Nicolas Sarkozy, celui-ci ayant toujours bénéficié d'une couverture médiatique plus importante que sa principale rivale. Les partisans du candidat UMP trouveront que le film manque d'impartialité, les autres savoureront un déséquilibre qu'ils trouveront opportun. Et parce qu'il ne faut pas oublier qu'il existe d'autres candidats, Zéro et Royer bouchent les trous en insérant quelques images multidiffusées de François Bayrou (avec la célèbre scène de la gifle) et consorts. Comme s'ils se reprochaient à eux-mêmes de n'avoir traité que deux candidats à l'heure où l'on reproche justement aux médias de favoriser l'extrême droite en ne s'intéressant qu'aux gros poissons. Traitement discutable, légitimité très limitée : Michel Royer et Karl Zéro ont encore beaucoup de chemin à faire pour devenir de vrais documentaristes politiques.
3/10

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