14 sept. 2006

QUAND J'ÉTAIS CHANTEUR

Voilà un quart de siècle qu'on nous bassine à force de répéter que Gérard Depardieu est le meilleur acteur français du monde entier. Tout le monde le dit, personne ne se souvient pourquoi. Ça fait des plombes que Depardieu se contente de jouer avec sa propre image pour envahir les (trop) nombreux films qu'il choisit de tourner.
Sauf qu'arrive Xavier Giannoli. Et là, on comprend pourquoi Depardieu croule sous les éloges. Le Alain Moreau de Quand j'étais chanteur est sa plus belle prestation. Pas sa plus belle prestation depuis Cyrano ou Jean de Florette, non non, sa plus belle prestation tout court. D'une sobriété exemplaire (à l'image de son personnage, qui ne boit que du Perrier), Depardieu serre les coeurs avec ses airs de gros nounours usé. Bouleversant, il aurait pu insuffler au film de Giannoli un déséquilibre fort fâcheur. C'est sans compter sur Cécile de France, belle comme un coeur, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et tient la dragée haute au gros Gégé. Ces deux-là forment le couple le plus bouleversant qu'il ait été donné de voir depuis bien longtemps.
Mais ce serait faire injure au film de Xavier Giannoli que de le réduire à ses magnifiques interprètes. Quand j'étais chanteur est la rencontre étincelante entre un vieux chanteur de bal et une agent immobilier qui pourrait être sa fille. Giannoli a la bonne idée de ne pas jouer la carte du "coucheront? coucheront pas?". Et pour cause : c'est plié au bout d'un petit quart d'heure. Alors après, le réalisateur-scénariste a tout le temps de s'intéresser à la relation un peu ambiguë et très douloureuse de ces deux êtres trop paumés pour être heureux. Bien souvent, au détour d'une scène ou d'une autre, on a la gorge qui se serre devant des petits moments de grâce, coutumiers de Xavier Giannoli mais toujours aussi surprenants.
À propos du réalisateur, on est désormais complètement certain du fait qu'il soit fait à 80% d'eau et à 20% de talent. Là où ses précédents films pêchaient parfois par manque d'expérience, il a désormais acquis une vraie maturité, que ce soit dans l'écriture ou la mise en scène. Mieux, Quand j'étais chanteur montre que Giannoli sait adapter sa façon de filmer à ce qu'il raconte (et ça devient de plus en plus rare). On ne filme pas Quand j'étais chanteur comme on filme Une aventure. Ça peut sembler bête, mais trop de réalisateurs l'oublient.
Derrière cette histoire de rencontre se cache également le portrait en demi-teinte d'un homme qui a consacré sa vie aux paillettes pour ne pas trop tergiverser sur son propre nombril. Cet homme se nomme Alain Moreau, mais il aurait également pu s'appeler Gérard Depardieu. Les dialogues de Giannoli semblent de manière évidente avoir été écrits pour lui, et uniquement pour lui. Pas sûr que le film ait vu le jour s'il avait refusé le rôle.
Quand j'étais chanteur peut en fait se résumer en un mot : la grâce. Beau et majestueux, c'est le genre de film qui donne la chair de poule dès qu'on l'évoque. Merci, monsieur Giannoli.
9/10

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"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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