Petit succès surprise de la fin d'année 2010, Les émotifs anonymes est atteint d'une maladie à deux visages : le syndrome du film gentil. Comme ces gens inoffensifs et insignifiants dont on n'ose pas dire du mal (sous peine de les faire pleurer) mais qu'on n'inviterait pas non plus à dîner (sous peine d'avoir envie de se pendre), un film gentil est un objet délicat à manipuler parce qu'il peine à créer autre chose que de l'indifférence. Il ne se distingue par aucun défaut majeur, si ce n'est l'extrême mesure de tout ce qu'il entreprend. Il parvient à se montrer sacrément sympathique, ce qui peut même donner le sourire pour peu que l'on soit de bonne composition. Mais le film gentil, au fond, est voué à un oubli rapide et cruel. Il sera rarement cité à titre d'exemple ou de mètre-étalon. On oubliera son titre et le nom de son réalisateur. On l'évoquera si besoin en le désignant comme « le film avec Carré et Poelvoorde » et les gens penseront qu'il s'agit d'Entre ses mains. Dieu que le destin du film gentil est triste.
Reste que Les émotifs anonymes, comme bien des films gentils, est assez mignon à regarder. Il semble en fait contaminé par la léthargie de ses deux héros, tous deux incapables de communiquer correctement et donc contraints de se réfugier derrière une façade semi-timorée, semi-marginale, pour tenter d'avancer dans la vie en faisant bonne figure. Cette histoire de deux handicapés affectifs qui finiront par se trouver, hommage délibéré à The shop around the corner et autre pâtisseries filmiques, possède un charme discret mais certain. Pas exempt d'un certain cachet, et malgré quelques étrangetés comme cette bande originale bâtarde et exaspérante, le film accomplit son œuvre : celle de charmer, au moins pour un temps.
Pourtant, le scénario co-écrit par Jean-Pierre Améris et Philippe Blasband souffre d'un certain systématisme qui fait rouiller ses ressorts vaudevillesques : s'il est logique que ce scénario en forme de conte de fées se nourrisse des passages obligés inhérents au genre, il le fait avec un excès de classicisme et une certaine stupeur, comme si les auteurs du film étaient persuadés de faire preuve d'une grande originalité. Oui, on a bien compris que les mille divergences de parcours tendant à éloigner les héros n'étaient que des fausses pistes ; alors pourquoi jouer sans arrêt une sorte d'étonnement teinté de candeur ? Court sur pattes, le film est également court sur le plan de la durée : soixante-douze minutes à peine, et envoyez le générique. Cette histoire chocolatée laisse un léger goût de frustration, heureusement rehaussé par son statut de film gentil ainsi que par la prestation plus que touchante d'un Benoît Poelvoorde jamais aussi à l'aise que dans ses prestations en creux. Isabelle Carré, elle semble trop effacée même si c'est évidemment son personnage qui l'impose. Les émotifs anonymes, film gentil par excellence, a de quoi susciter sourires polis et légers bâillements.
Les émotifs anonymes de Jean-Pierre Améris. 1h20. Sortie : 22/12/2010. Sortie DVD : 27/04/2011.
Les Meurtres zen, Netflix
Il y a 3 heures
4 commentaires sur “[DVD] LES ÉMOTIFS ANONYMES”
d'une grand !!!
Tu n'es qu'une sous couille. Et je pèse mes mots.
Evidemment comme je connais personnellement le réalisateur c'est toujours étrange de regarder ses films. Et si on connaisssait TOUS les réalisateurs de TOUS les films que l'on voit, on les verrait forcément différemment, c'est évident.
Comment te dire ? Jean-Pierre est vraiment foncièrement "gentil", mais sans aucune mièvrerie. Et tellement, que ça force le respect. Il le revendique et ne sait pas faire autrement de toute façon.
Bon, et ta phrase INTERMINABLE qui commence par pourtant, et là, c'est la prof de français qui te parle... elle est plus lénifiante qu'un film de Vincent Gallo.
Et puis "prestation en creux", est vraiment une expression qui me hérisse le poil dur !
Tcho baltringue.
Et puis t'as vu ce film en vidéo comme 95 % de ce que tu vois, alors ça compte pas.
Re-Tcho.
Celui-là, oui, je l'ai vu en DVD, forcément.
En revanche, je m'insurge.
Je ne vois pas 95% des films en vidéo.
Les projections presse, c'est pas pour les chiens, nan mais oh. Bon. Hein.
Merci quand même pour ce commentaire en creux. (LOL)
Excuse moi je voulais dire 98 %
Excuse moi je voulais dire 98 %
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