De Julio Médem, cinéaste espagnol décomplexé, on préfèrera retenir les élans érotico-romantiques des Amants du cercle polaire et de Lucia y el sexo plutôt que les marasmes pseudo-existentiels de Caótica Ana, son dernier film. Reste que celui qu'on surnomma souvent le Lelouch ibérique (le Lelouch des bons jours, s'entend) lorgne ici davantage vers des films comme le Nuit d'été en ville de Michel Deville, où deux êtres complètement à poil (zigounette et pilou pilou apparents, oui) dissertaient sur la vie et sur l'amour dans une petite chambre d'hôtel. À ceci près que le duo Marie Trintignant - Jean-Hugues Anglade, certes fort agréable à regarder, laisse ici place à un tandem de femmes au potentiel érotique certain et à la langue bien pendue.
Dans Room in Rome, une madame lesbienne en trouble une autre a priori un peu moins lesbienne. Une chose en entraînant une autre, la petite espagnole et la grande russe se retrouvent à faire chambre commune pour la nuit. L'occasion de se mettre à nu, au sens comme au figuré, et d'apprendre à se connaître avant, peut-être, de retourner à sa vie d'avant. Médem ayant toujours considéré le sexe et le verbe comme les deux derniers bastions de l'être humain en général et de la femme en particulier, il trouve avec ce concept (unité de temps, unité de lieu) l'occasion idéale pour ne parler que de ça. Filmer des corps qui s'apprivoisent et des existences qui se racontent. Faire du mensonge la chose la plus romantique de la Terre en permettant à ses héroïnes de raconter n'importe quoi pourvu qu'elles le disent bien. C'est agréable à l'œil autant qu'à l'oreille, les jolies formes des deux actrices n'ayant d'égal que leurs phrasés délicats, accents étrangers en prime. En délaissant l'espagnol pour une langue anglaise plus reposante, Médem se débarrasse en outre du léger sentiment d'hystérie que créait parfois l'usante faconde de ses personnages. L'occasion idéale pour faire de cette nuit un instant idéal où le temps suspend son vol.
Alors certes, il y a bien çà et là quelques longueurs, quelques instants où l'imagination débordante de Médem et de ses personnages semble s'égarer et nous laisser sur le bord de la route. Mais, par la force d'une mise en scène veloutée, Room in Rome parvient toujours à raccrocher le spectateur, et l'attirer dans ses filets en lui dévoilant ses charmes. On est ravis qu'un cinéaste ayant autant la bougeotte (géographiquement ou chronologiquement, ses films ont des allures de gigantesques rollers coasters) s'épanouisse autant en faisant du surplace. Profond, ludique, sensuel, ce film hélas inédit en salles semble marquer pour lui une parenthèse réparatrice bienvenue ou le signe d'un nouveau départ vers des aventures moins mouvementées mais toujours aussi exaltantes.
Room in Rome de Julio Médem. 1h48. Sortie DVD : 03/05/2011.
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