21 nov. 2007

LIONS ET AGNEAUX

Difficile de tirer un avis net et précis de ce Lions et agneaux, le septième film de Robert Redford et sans doute le plus déconcertant. S'inscrivant dans la mouvance actuelle des films qui critiquent la dernière guerre en Irak et en Afghanistan et tout ce qui l'entoure, le film épouse un audacieux parti pris, celui de faire de la guerre le simple sujet de conversations de bureau, où la rhétorique prend le pas sur les armes. Un choix nuancé par les quelques scènes se déroulant sur le terrain. Le côté ambigu de la chose est qu'on ne comprend jamais vraiment si Redford approuve cette façon de voir la guerre comme un placement financier doublé d'un jeu de stratégie, ou s'il condamne absolument cette façon de penser. Connaissant les opinions politiques du monsieur, on se doute qu'il est plus près du personnage qu'il interprète (un professeur d'université opposé à la guerre) que de celui de Tom Cruise (un sénateur républicain prêt à tout pour faire la nique aux ennemis). Seulement voilà : dans le film, ce n'est jamais tout à fait clair.
Il y a dans Lions et agneaux un décalage notable entre ce que le spectateur ressent sur le moment et ce qu'il emmènera avec lui à la sortie de la salle. Entre le prof et son étudiant, tout comme entre le sénateur et une journaliste tenace, s'installe un dialogue souvent futé et bien tourné qui stimule l'esprit. Les personnages se renvoient la balle avec brio, on pèse le pour et le contre, et on attend la séquence suivante avec une impatience palpable (surtout lorsqu'il faut patienter avec des scènes de guerre, indispensables au propos mais complètement ratées). Jusqu'à réaliser que ce que nous propose Redford ressemble moins à un film de cinéma qu'à un bête cours de vulgarisation politique, scolaire en diable, avec les titres de ses grandes parties soulignés en rouge et les diapos PowerPoint pour que tout le monde comprenne. Cela pourra satisfaire ceux qui ont passé les dix dernières années dans une grotte, mais quiconque a un tant soit peu suivi l'actualité n'apprendra finalement pas grand chose.
Reste que les acteurs sont parfaitement à l'aise et rendent le spectacle assez agréable. Comme d'habitude, Meryl Streep est très pro (mais comme d'habitude, presque un peu trop) ; face à elle, Tom Cruise se révèle franchement épatant dans un rôle parfait pour lui. On rêve de le voir jouer des hommes politiques plus régulièrement : il possède la même décontraction, le même charisme, le même regard un peu faux mais capable de convaincre des foules entières. Quant à Redford, s'il joue un enseignant, c'est bien lui qui parle à travers ses répliques. Tous les regrets du monde sont là. Ceux d'avoir perdu des proches à la guerre. De n'avoir pas su empêcher ça. De ne rien avoir fait de plus "important" que du cinéma. Cette amertume-là est palpable et émouvante ; elle ne parvient pas cependant pas à faire oublier l'académisme qui se dégage d'un Lions et agneaux qu'on aurait souhaité plus subversif.
6/10

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"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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