Surmédiatisation, battage plus politique que cinématographique, Indigènes avait tout d'un pétard mouillé. À entendre Rachid Bouchareb et ses comédiens, il était important de faire un tel film pour apporter un témoignage inédit et remettre les choses à leur place : non, les tirailleurs africains ne comptent pas pour du beurre. Un livre d'histoire géant, en somme.
Les intentions sont louables, le résultat imminent (notre cher président devrait relancer la machine en faveur des tirailleurs, et leur permettre de toucher enfin des indemnités décentes). Mais le cinéma, dans tout ça, allait-il trouver sa place? Pas gagné. Et pourtant, contrairement à nos craintes, Indigènes est bien un film, un vrai. Pas un chef d'oeuvre, mais quand même. Outre un témoignage édifiant et efficace, Rachid Bouchareb livre un récit fort et poignant, une aventure humaine déguisée en film de guerre, comme un mini Saving private Ryan (toutes proportions gardées). Sous les casques et derrière les uniformes, des êtres humains tentent tant bien que mal de se faire une place dans une société qui, déjà à l'époque, refusait de les intégrer. Si ce film à échelle humaine n'atteint jamais des sommets, c'est parce que le propos a quand même tendance à tout écraser sur son passage. Tellement d'injustices à dénoncer, tellement de choses à dire, que Bouchareb est un tout petit peu trop démonstratif. Du coup, c'est dans les dernières scènes, celles où les balles sifflent et où les corps inertes frappent le sol dans des bruits sourds, que le film se fait le plus poignant, le plus attirant. Là, l'équilibre entre cinéma et politique se fait, comme une évidence.
Le quintuple prix d'interprétation cannois, qui avait ajouté au buzz ambiant, semblait un peu facile. Il est vrai que chaque comédien est à fond dans son rôle, déterminé à bien faire passer chaque argument qu'il a à défendre. Un excès d'application qui prive leurs prestations de ces petites aspérités qui font les grands rôles. Bizarrement, c'est celui qui semble le moins concerné à l'écran qui s'en sort le mieux : monsieur Samy Nacéri, délinquant notoire aux yeux jaunes un peu suspects, est sans doute le plus efficace de la bande.
En fin de film, un carton rappellera à ceux qui l'ignoreraient encore (il y a des gens qui n'ont pas la télé, figurez-vous) que les pensions des tirailleurs africains sont honteusement moins élevées que celles de leurs camarades français de souche, et qu'aucune reconnaissance ne leur a été apportée. Effort louable mais un brin redondant, qui laisse à Indigènes un simple goût de devoir bien fait en lieu et place de l'émotion qu'il aurait du susciter. Il n'empêche : il est réellement permis de prendre un certain plaisir à ce spectacle souvent triste.
7/10
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