27 juin 2006

PARIS JE T'AIME

Rarement film à segments (oublions l'affreux terme de "film à sketches") aura été aussi homogène. S'il y a évidemment des films plus séduisants que d'autres, si quelques séquences sont moins réussies, Paris je t'aime est une vraie réussite, cohérente et enthousiasmante. On n'échappe pas toujours aux clichés, et presque tous les réalisateurs ont oublié que Paris ne se réduisait pas à quelques cartes postales. Mais à condition d'avoir un petit côté bobo ou gauche caviar, ou d'être soi-même parisien, il est permis d'apprécier pleinement un film dont la qualité générale est vraiment une surprise, et où l'excellent fait oublier le moins bon.
Montmartre (Bruno Podalydès) Le plus tendre. Pour une fois, c'est Bruno qui dirige et qui joue, et on ne perd quasiment pas au change. Poda orchestre la rencontre de deux êtres seuls et solitaires avec un humour distancié et une vraie tendresse.
Quais de Seine (Gurinder Chadha) Le plus naïf. Chadha met en scène une fabulette pronant le respect de l'autre et la tolérance. Le message n'est ni anodin ni inutile, juste un peu trop candide. Mais le sourire de Leila Bekthi suffit à justifier ce segment.
Le Marais (Gus Van Sant) Le plus dépouillé. Van Sant conte la rencontre bilingue (et éphémère?) de deux jeunes types. Gaspard Ulliel parle, Elias McConnell écoute. On a quand même connu Van Sant plus inspiré.
Tuileries (Joel et Ethan Coen) Le plus burlesque. Pauvre Steve Buscemi qui, depuis son quai de métro, découvre les Français et leurs travers. On aimerait voir les Coen renouer plus souvent avec cette veine qui leur va si bien (quand elle ne part pas dans tous les sens).
Loin du 16e (Walter Salles et Daniela Thomas) Le plus économe. Quasi muet, le film suit une jeune immigrée (Catalina Sandino Moreno, pleine de grâce) qui doit quitter son bébé pour aller s'occuper de celui d'une autre. Sans effets, sans surenchère, le film impose sa griffe et chavire le coeur.
Porte de Choisy (Christopher Doyle) Le plus barré. On ne comprend à peu près rien à cette rencontre entre un représentant capillaire et une coiffeuse fighteuse. Mais ce n'est pas grave : Porte de Choisy, c'est 7 minutes de légèreté dans un monde de brutes. Et l'occasion de voir Barbet Schroeder s'amuser à jouer la comédie.
Bastille (Isabel Coixet) Le plus émouvant. La voix off omniprésente nous raconte la fin d'un amour qui pourrait n'être qu'une nouvelle renaissance. Les yeux hagards de Sergio Castellito sont de vrais petits puits d'émotion, la mise en scène délicate d'Isabel Coixet fait le reste.
Place des Victoires (Nobuhiro Suwa) Le plus désespéré. Suwa suit une jeune mère en deuil prête à plonger dans les rêves de son fils pour pouvoir le tenir dans ses bras une dernière fois. D'une tristesse infinie, Place des Victoires n'est toutefois pas une grande réussite et ne doit son salut qu'à l'irruption de Willem Dafoe en cow-boy.
Tour Eiffel (Sylvain Chomet) Le plus fantasque. En prises de vues réelles, un petit binoclard avec un cartable plus gros que lui raconte la rencontre de ses parents. Petit détail : tous deux sont des mimes. C'est assez moche mais plutôt drôle et frais.
Parc Monceau (Alfonso Cuaron) Le plus magique. Unique plan-séquence qui voit déambuler Ludivine Sagnier et Nick Nolte le long d'un grand boulevard. Il se passe vraiment quelque chose dans cette rencontre ô combien insolite. C'est du domaine de l'indéfinissable. C'est beau.
Quartier des Enfants Rouges (Olivier Assayas) Le plus désabusé. Maggie Gyllenhaal ne joue pas une secrétaire, mais une actrice qui cherche du shit. Il y a là-dedans un côté totalement marginal et dépressif qui donne tout son sel au film. Mais était-ce là le seul but d'Assayas?
Place des fêtes (Oliver Schmitz) Le plus ordinaire. Difficile de trouver de vrais atouts au moins bon morceau du film, qui conte une rencontre tragique à la manière d'un Navarro. Mais il y a Aïssa Maïga...
Pigalle (Richard LaGravenese) Le plus pervers. Un jeu de massacre entre Bob Hoskins et Fanny Ardant. Délicieusement dégueulasse, puis infiniment tendre. Savoureux.
Quartier de la Madeleine (Vincenzo Natali) Le plus lugubre. Interprété par Elijah Wood, ce segment est une histoire sanguinolente où un touriste un peu paumé croise une ghoule goulue. On se demande un peu ce que ça fait là, même si l'ensemble n'est pas désastreux et que la fin est plutôt amusante.
Père-Lachaise (Wes Craven) Le plus touchant. Comme Isabel Coixet, Craven met en scène la possible fin d'un amour qui pourrait n'être qu'un nouveau début. Inattendu et franchement délicat, le film donne envie de voir Wes Craven faire plus de films "classiques".
Faubourg Saint-Denis (Tom Tykwer) Le plus niais. Histoire d'amour cucul-concon entre une jeune actrice (Natalie Portman) et un aveugle. Cette fois, le côté fleur bleue de Tykwer ne résiste pas à sa narration bébête et à son interprétation moyennes (Melchior Beslan, l'aveugle, est très mauvais).
Quartier Latin (scénario Gena Rowlands, réalisation Gérard Depardieu et Frédéric Auburtin) Le plus joli. Retrouvailles de Gena Rowlands et Ben Gazzara, où plane l'ombre d'un certain John Cassavetes. Un ancien couple se retrouve pour divorcer et se balance avec tendresse mais avec fermeté une bonne salve de vacheries, sous l'oeil de Gérard Depardieu qui leur sert du vin (tiens donc?). Admirable et classieux.
14e arrondissement (Alexander Payne) Le plus décevant. Où est donc passé l'humour un peu loser d'Alexander Payne? L'amusante voix off (une touriste américaine qui s'acharne à parler français malgré un accent à couper au couteau) ne parvient pas à masquer la banalité et l'inanité de l'ensemble. Dommage de finir là-dessus...
8/10

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