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20 avr. 2009

L'IDIOT

Par manque de moyens et aussi par choix, Pierre Léon filme un petit morceau de l'oeuvre de Dostoievski : la fin de la première partie. À ce stade, il convient de rappeler que L'idiot est un roman, ce qui n'est absolument pas évident au vu du film : celui-ci ressemble en effet à une expérience de théâtre filmé. Avec la drôle d'impression de sentir où est la caméra, c'est-à-dire en plein milieu de la scène, pivotant régulièrement pour saisir les expressions des uns et des autres. Un peu gênant : on se sent en effet très à l'étroit dans ce petit salon, avec cette huitaine de personnages et toute cette technique entre eux. Tourné en vidéo et avec trois francs six sous, le film est bien moins beau que ne le laissaient penser les photos d'exploitation : le grain est laid, le rendu de l'image rudimentaire.
La technique ? Mais qui s'en soucie ? On comprend très vite que L'idiot, avec sa courte durée (1h01) et son drôle de non-rythme, n'est pas un film conventionnel. C'est une expérience, voulue comme telle, une quête de l'esprit dostoievskien, un marivaudage volontairement léthargique où les comédiens ont des gueules pas possibles. D'improbables barbus, de beaux mâles sortis de la cuisse de Jean-Pierre Léaud, et cette grande perche peu ordinaire qu'est Jeanne Balibar. Tout ce petit monde s'amuse à jouer à côté de la plaque, pas tout à fait comme au théâtre, pas tout à fait comme au cinéma. C'est un spectacle intemporel, d'abord truffé de monologues grandioses sur des choses banales, puis se concentrant sur les choses de l'amour, le tout tournant autour de la divine (?) Nastassia Philippovna, qui fait languir les hommes et joue un jeu cruel avec eux.
On pourra s'exalter ou s'emmerder copieusement, être réjoui ou affligé par le ton et la mise en scène (ou par son absence), trouver compréhensible ou non l'idée d'avoir adapté un pan de bouquin. Mais finalement peu importe : L'idiot est véritablement une expérience, un truc qu'on est content d'avoir vu comme on est content d'avoir fait telle ou telle attraction de la fête foraine. On ne peut nier sa totale désuétude ou le profond vide qu'il laisse derrière lui. Mais c'est presque ce qui fait le charme de cette oeuvre, qui fera peut-être fondre les connaisseurs de Dostoievski, dont le texte est paraît-il respecté à la virgule près. Tant mieux pour lui.
5/10
(également publié sur Écran Large)

(autre critique sur Stardust memories)

10 déc. 2007

LA FRANCE

De la part de Serge Bozon, auteur de moyens métrages incongrus et élitistes, on n'attendait pas autre chose qu'un film en marge, refusant de jouer avec les codes traditionnels du cinéma. Avec La France, Bozon réussit quelques chose d'assez exceptionnel : faire exactement ce qu'on attendait de lui, tout en parvenant à surprendre son monde. La France ressemble à un film de guerre et à une comédie musicale, mais c'est plutôt vers le théâtre antique que le réalisateur et sa fidèle scénariste nous attirent irrémédiablement.
Antique mais pas que, puisque l'héroïne du film est une descendante du chevalier D'Eon, petit brin de femme dont le déguisement en homme ne trompe pas le spectateur mais dame le pion à ses compagnons. À partir de là, Bozon brode une épopée de poche, surréaliste et d'une tristesse infinie, à peine adoucie par les quelques chansons impromptues qui viennent bercer la marche des soldats. Les instruments apparaissent comme par magie, les gros durs se sentent pousser des ailes, et le drôle de rythme des compositions vient un temps nous tirer du spleen dans lequel nous étions plongés. Délicatement, puis de moins en moins, le film nous prend, nous captive, rebondit, nous inquiète (voir la terrifiante scène de la grange). Difficile de dire pourquoi, mais La France est un film qui séduit, et dont la façade auteuriste ne doit pas repousser, tant ce Bozon-là est accessible et universellement appréciable.
7/10
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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