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7 mars 2008

SOYEZ SYMPAS, REMBOBINEZ

Soyez sympas, oubliez le titre français, sélectionné par une bande d'internautes sans scrupules ni sens du bon goût. Et ne retenez que ces quatre-vingt quatorze minutes venues d'ailleurs, c'est-à-dire de chez Michel Gondry, réalisateur franco-bricolo alliant fraîcheur et modestie, comme s'il ignorait qu'il constituait le top de la hype. L'excellente nouvelle de Be kind rewind, c'est justement que son côté "de bric et de broc" ne prédomine jamais sur l'aspect humain, tare qui tendait à rendre Human nature et La science des rêves légèrement frustrants (même si totalement indispensables au final). Devant le concept, des personnages, des vrais, qui constituent dans tous les sens du terme le coeur de ce film généreux et altruiste qui évite miraculeusement le pathos.
À la base, il y a donc cette idée géniale et proprement absurde de refaire à la va-vite et avec les moyens du bord quelques films appartenant à l'inconscient collectif, de Rush hour 2 au Roi lion. L'occasion pour Gondry de se lâcher dans un délire visuel n'appartenant qu'à lui ; il n'a jamais filmé de façon aussi simple, ce qui relève ici de le bonne nouvelle, puisque s'installe rapidement une vraie proximité avec les personnages. La sincérité de cette délcaration d'amour au cinéma et au bricolage est des plus emballantes, et tant pis s'il y a des séquences foireuses ou des petits moments de solitude : Gondry creuse une nouvelle fois son propre portrait, celui d'un homme qui se pousse au cul pour faire sortir sa richesse intérieure et montrer qu'il n'est pas que ce type un peu timide, moche et décalé que l'on entrevoit au premier abord.
Be kind rewind, c'est aussi une peinture du temps qui passe, de ses bienfaits comme de ses méfaits. Les films viellissent, les bandes jaunissent ? Tant mieux. Ou tant pis. La vie passe, les pages se tournent ? C'est la vie. Le constat est simple, assez fataliste, mais empreint de magie : les souvenirs et les petits ratages nous construisent, peut-être plus que les grands évènements qui jalonnent nos vies. Conclusion de ce propos un peu désabusé mais jamais dépressif : une dernière scène proprement bouleversante, façon Capra, qui dit la beauté du monde et des rapports humains. Pour un film fauché se déroulant en majeure partie dans un vidéo-club délabré, c'est un petit exploit. Gondry l'a fait, et l'on meurt déjà d'envie de dévorer ses mille prochains films à condition qu'ils aient un millième de la force de celui-là.
9/10

5 déc. 2007

I'M NOT THERE

Quelques milliers de signes ne suffiraient pas à décrire par le menu ce I'm not there si riche, dense, complexe, et pourtant d'une lisibilité enfantine. Spécialiste des projets décalés (mais un décalage toujours sincère, jamais calculé), Todd Haynes s'est ici surpassé, tentant de retracer la vie de Bob Dylan par l'intermédiaire des histoires d'une demi-douzaine de personnages (ou plus), totalement dissemblables, mais ne formant qu'un : Dylan. Un petit garçon noir, quelques mecs, une femme, pour un puzzle fascinant et universel, évidemment rythmé par les chansons de Robert Zimmermann.
À vrai dire, il est assez difficile d'expliquer pourquoi le film parvient si facilement à imposer son style et son charme si particulier. Sans doute parce qu'il ne s'arrête pas à la surface d'un concept accrocheur (façon Todd Solondz dans le désespérant Palindromes). Et parce qu'il va encore plus loin, attribuant la part du lion à un personnage qui n'est rien de moins que l'acteur qui joue Jack Rollins, le personnage de Christian Bale, dans le film qui lui est consacré. Aucun rapport avec Dylan ? Si, évidemment. On a beau ne pas forcément connaître la bio du chanteur, on sent bien que tout nous amène à lui. Haynes a le bon goût de ne pas dévoiler toutes ses cartes en début de partie, refusant une bête construction de film choral pour mieux nous faire découvrir de nouveaux personnages à mesure que les bobines s'enchaînent. Ainsi, les fans de Richard Gere devront être très patients.
I'm not there, c'est six films en un, six pépites fondamentalement différentes les unes des autres, et qui englobent finalement l'ensemble du vocabulaire cinématographique. Les apparitions épisodiques de Ben Whishaw (dans le rôle d'... Arthur Rimbaud ?) sont aussi fascinantes que celles de Heath Ledger, qui livre une prestation plus "classique", moins directement ancrée à la destinée dylanienne. Mais la partie la plus fascinante est sans doute celle avec Cate Blanchett, qui se débarrasse de tous ses oripeaux d'actrice appliquée mais scolaire, pour livrer une interprétation absolument fascinante. Peu d'artifices, juste quelques manières empruntées à son modèle, et Blanchett devient Dylan. C'est la partie la plus biopic du film, mais elle ne cède jamais aux sirènes de la linéarité. C'est par la bouche de ce personnage, Jude Quinn, qu'Haynes fait vivre les états d'âme et l'ambivalence acerbe d'un type insaisissable. C'est là que l'on réalise que Control, récit de la courte existence de Ian Curtis par Anton Corbijn, est un tout petit film. Au moins six fois plus petit que I'm not there. Quand on voit cela, on se demande bien comment on a pu supporter les biographies linéaires de chanteurs dont on se moquait à moitié. À l'avenir, ce ne sera plus possible : le Last days de Gus Van Sant et ce petit bijou-là ont définitivement creusé la tombe de ce genre. Et pour cause : dans chacun de ces deux films, on ne voyait pas (ou presque) l'ombre d'un cheveu du musicien dont ils étaient censées parler ; pour un résultat inverse, celui d'avoir la sensation qu'on n'a jamais touché un grand artiste d'aussi près.
9/10
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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