Submarine est un film assez difficile à défendre. Non pas qu'il s'agisse d'un drame ouzbek de sept heures douze sur la dépression filmée en temps réel d'un mineur unijambiste. Si les immenses atouts du film de Richard Ayoade sont aussi difficiles à mettre en avant, c'est parce qu'il possède toutes les caractéristiques typiques du petit film indépendant américain sur la jeunesse torturée d'un lycéen intello-dandy. Submarine, c'est Rushmore, c'est Gentlemen broncos, c'est mille films alliant distanciation, décalage et une pointe de snobisme pour raconter les premiers émois amoureux et culturels d'un adolescent génialement en marge. Un ado généralement fan de romans de science-fiction possiblement démodés, ou de chanson française à la mode, du genre Françoise Hardy ou Serge Gainsbourg.
Non, décidément, il est bien délicat de vanter les mérites de ce savoureux premier film en le racontant par le menu. Pourtant, malgré son côté déjà vu, Submarine est un film pétri de singularités, d'élans narratifs originaux, de sentiments universels et pourtant si peu explorés. Découpé de façon littéraire (prologue - 3 chapitres - épilogue), le film donne à voir l'adolescence telle qu'elle est vraiment, même s'il tend à la déformer à travers un prisme légèrement hype. Autrement dit, il est assez aisé de s'identifier au jeune Oliver Tate, 15 ans, amoureux d'une fille pas spécialement charmante (mais c'est souvent le propre de l'amour que de viser là où on ne l'attend pas) et contraint d'observer des parents qu'il considère comme ringards suivre des trajectoires divergentes... sauf que tout ceci est raconté à grands renforts de digressions, d'élucubrations mentales et d'astuces de montage. Résultat : le film atteint un équilibre assez miraculeux entre mélancolie nostalgique, causticité grinçante et classe infinie.
Si le film parvient à toucher à ce point, c'est sans doute parce que contrairement à Rushmore, mètre-étalon absolu du genre, il n'est pas hanté par cette obsession du cadre parfait qui peut autant séduire que rebuter chez Wes Anderson. Réalisé "à l'ancienne", comme un document provenant des années 80, Submarine a le charme des vidéos Super-8... tout en se moquant bien de ce genre d'artifice. À plusieurs reprises, le narrateur tentera d'imaginer à quoi pourrait ressembler l'adaptation cinématographique de tel ou tel moment de sa vie, façon assez craquante de condamner les clichés du genre. Et c'est par la force de ce décalage permanent, comme s'il était conscient à chaque seconde de ne pas livrer le film le plus neuf de l'histoire et qu'il décidait d'en jouer, que Richard Ayoade (venu de la série The IT crowd) réussit pleinement son coup. Le reste est assuré par un casting tout bonnement ahurissant, mené par le jeune Craig Roberts. Quelque part entre Harmony Korine et Anton Yelchin, l'acteur navigue entre flegme et angoisse, sans jamais tomber dans le côté poseur inhérent à ce genre de personnage. Mis en musique par Alex Turner (Arctic Monkeys), ce Submarine aura peut-être du mal à passer à la postérité, mais son réalisateur a sans doute de beaux jours devant lui.
Submarine de Richard Ayoade. 1h47. Sortie : 20/07/2011.
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Il y a 7 heures
1 commentaire sur “SUBMARINE”
La page facebook de Submarine est bel et bien utile, elle m'a aujourd'hui permis de découvrir un blog comme je voudrais en avoir. Je découvre avec joie que quelqu'un partage ma passion pour High Fidelity, le cinéma d'auteur (et pas d'auteur quand les films sont juste bons et qu'il faut l'admettre).
Quand on commence juste dans la critique (même si la mienne (notre)est plus musicale que cinématographique, si on considère que les deux sont dissociables), c'est bon de savoir que nos idées ne sont pas toutes des idées de merde (j'entends par la les Top 5 et autres petites choses que nos blogs ont en commun (même si je dois l'avouer, le votre surpasse largement le notre)).
Je suis en train de battre des record de parenthèses à l'intérieur de parenthèses, je vais donc m’arrêter la (cette phrase signifie que j'en suis à la moitié de mon commentaire et que je compte m'attarder encore un peu en enchainant les phrases indigestes)).
Je doute que vous ayez toujours raison, à vrai dire je suis même persuadée du contraire mais je suis quand même d'accord avec la (presque) totalité de cette critique de Submarine et je vous remercie d'avoir su dire ce que j'essayais vainement d'expliquer dans ma propre critique du film.
Cinématrographiquement,
Mathilde (http://our-degeneration.blogspot.com ne vous sentez pas obligé d'y aller c'est la signature d'usage)
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