21 févr. 2007

BUG

La paranoïa a enfin son film-référence. Avec Bug, William Friedkin explose tous les carcans du genre, s'il convient encore de parler de genre. Avec une simple chambre de motel, un microscope et beaucoup de papier alu, le réalisateur de French connection livre un film totalement barré, anxiogène à souhait, aux mille degrés de lecture.
Bug est un film ambigu et fier de l'être. Il n'y a qu'à voir le titre : parle-t-on d'un insecte, comme ceux qui pourrissent bientôt la vie d'Agnès et Peter? Ou n'y aurait-il pas tout simplement un bug dans la matrice? Évidemment, ne pas compter sur Friedkin pour apporter une réponse exhaustive et terre-à-terre. Tout le délice est là : on ne sait jamais sur quel pied danser. On peut voir dans Bug une description imagée de cette maladie qu'est la schizophrénie ; ou être ébahi par la portée politique du film, qui règle son compte à une certaine idée de l'Amérique ; ou encore se laisser porter par un trip angoissé et angoissant, un voyage dans l'Interzone chère à William S. Burroughs.
Toujours est-il que Bug est un film fascinant, oppressant et vraiment singulier. Pas un hasard si William Friedkin s'est intéressé à la pièce de théâtre de Tracy Letts : en creusant bien, on se rappelera que le sieur William a souvent été brocardé pour ses prises de position borderline sur différents sujets socio-politiques (dernière preuve en date, le douteux Enfer du devoir). Le personnage de Peter, tant physiquement qu'idéologiquement, est sans aucun doute le miroir du metteur en scène. Paranoïaque, violent, ravagé... mais toujours cohérent. Et donc encore plus flippant.
Bug montre entre autres comment la culture de la terreur s'est installée dans le quotidien de l'homme et quels sont ses ravages sont le bon fonctionnement de nos vies et de nos crânes. Brillante de bout en bout, la mise en scène de Friedkin mute de bout en bout, parfaitement adaptée à l'évolution psychique des personnages. Rien que le travail sur le son mérite le prix du ticket. Le dernier acte est ébouriffant : la métamorphose visuelle du film contraint le spectateur à franchir un point de non-retour, ultime étape vers un climax barré mais incontestable. Après avoir retrouvé ses esprits, on n'a qu'une envie : replonger dans ce Bug grandiloquent et dérangé, sans doute le plus grand film de William Friedkin.
9/10

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