20 oct. 2006

Ô JÉRUSALEM

ô Jérusalem. Ô Jerusalem! Un titre pareil plus le nom d'Élie Chouraqui, et on a compris sans voir le film. On imagine un vibrant cri du coeur (hum), un touchant appel à la paix (hum hum), le récit humain et généreux d'un conflit sans fin où l'espoir subsiste (triple hum). Et on ne se trompe absolument pas. S'inspirant de l'un des nombreux best-sellers politico-sucrés du tandem Lapierre-Collins (tandem qui boîte bas, puisque le vieux Larry s'en est allé), Chouraqui tricote exactement le film qu'on attendait de lui. Une fresque grossière et pleine de bons sentiments qu'il aurait tout aussi bien pu adapter en comédie musicale. Son refus de prendre parti est exemplaire, mais même le plus suisse de tous les Suisses n'est pas aussi neutre. Armé d'une série de cartons à faire bailler même un historien, Chouraqui entreprend tout d'abord d'expliquer les tenants et les aboutissants du conflit entre juifs et arabes (comme si les deux étaient antinomiques). Puis tisse une histoire d'amitié impossible entre deux jeunes types venant de camps opposés, occasion inespérée de délivrer des litres de morale bien pensante. C'est vrai que si on se donnait tous la main dans une grande farandole, ça serait vachement mieux. Mais c'est surtout très con lorsqu'on n'habite pas au pays des Bisounours.
L'inanité du propos n'est pas le seul problème posé par ce Ô Jérusalem. Comme à l'habitude, Chouraqui offre un bon devoir d'écolier moyen, à coups de reconstitutions proprettes et d'images d'archives à tire-larigot. Le genre de truc pas crédible une seconde. Une guerre qui sent la brillantine a plus de chances de faire rire qu'autre chose. Il y a aussi ces tas de plans trop lords de sens. Et cette incohérence totale de la mise en scène, qui passe de travellings chiadés à caméra à l'épaule et de couleur sépia à noir et blanc sans aucune logique. On osera à peine parler de la drection d'acteurs : si l'inconnu JJ Feild n'est pas mal du tout, ses compères (Taghmaoui, Bruel et les autres) sont mauvais comme des cochons. Chouraqui se permet même l'exploit de rendre Ian Holm risible : avec son faux nez et sa coiffure en barbe à papa pour le faire ressembler à David Ben Gourion, on jurerait que le pauvre vieux s'est fait la tête de Georges Marchais.
Et puis un ange passe : alors qu'on n'attend qu'une chose, que la lumière se rallume après 2h08 de film (oui, c'est long), le dernier quart d'heure d'Ô Jérusalem vient sonner un réveil tardif mais bien réel. Quasiment débarrassé de ses ambitions professorales, Chouraqui filme les décombres de Jérusalem sous le silence pesant du couvre-feu. Dépouillé de paroles inutiles, se contentant de filmer les dégâts sans emphase, il offre à son film une sortie en beauté, à peine gâchée par un dernier flot ininterrompu de cartons à vocation pédagogique. Un trop court moment de grâce qui fait regretter que les neuf premiers dixièmes d'Ô Jérusalem aient été si patauds.
3/10

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