4 oct. 2006

DANS PARIS

Traiter de sujets graves avec légèreté, c'est toute la force de Dans Paris, grand film dissimulant un désespoir profond derrière ses airs rigolards. C'est l'histoire de deux frères apparemment différents, dont l'un cultive sa dépression dans l'appartement familail tandis que l'autre traine ses guêtres dans Paris à la recherche de nouvelles conquêtes. Au milieu, un papa gateau mais pas gâté, distribuant de grandes brassées d'amour un peu dans le vide. Ça pourrait être torturé et déprimant, nombriliste et pesant, mais c'est tout le contraire. Christophe Honoré réinvente un genre, ou plutôt un mélange de genres, pour une sorte de chronique intimiste tournée vers l'extérieur, fiévreuse et embrumée, où les papiers peints jaunis et l'odeur de tabac froid se font plus rassurants que plombants.
Dans Paris est un film génial sans en avoir l'air, une pièce d'orfèvre forgée au burin, une captation de la vie aérienne et transcendentale. Rien ne résiste à Honoré : qu'il autorise à l'un de ses personnages des apartés risqués avec le spectateur ou qu'il remplace de laborieuses mises au point sentimentales par une stupéfiante scène chantée, tout fonctionne, tout étonne. C'est juste magnifique. Comme ses deux précédents films l'avaient laissé supposer, Honoré est un metteur en scène gigantesque, avec ses images d'une beauté sans nom et son montage fluide car saccadé. Mais là où l'intellectualisation poussée de 17 fois Cécile Cassard et Ma mère pouvaient enfin de compte rebuter le spectateur, Dans Paris fait preuve d'une modestie touchante car pas fabriquée. Le réalisateur filme comme il respire (expression cliché qui trouve pourtant tout son sens ici), avec ce que ça comporte de quintes de toux et de crises d'asthme. Et son trio d'acteurs touche au divin, tantôt hilarant, tantôt poignant. Il y a Romain Duris, barbe de cent jours, peignoir bukowskien, qui soigne son spleen carabiné en chantant du Kim Wilde sur son lit ; il y a Louis Garrel, enfin débarrassé de soin imagerie tête-à-claques, impeccable en jeune loup dont les audaces amoureuses et les fantaisies payent toujours ; et puis il y a Guy Marchand, comme une révélation, paternel rigolard et aimant qui aurait plus d'une raison de se coller la tête dans le four. Ces trois-là sont ce qu'on a vu de mieux dans le cinéma français depuis des lustres. Il n'en fallait pas moins pour faire de Dans Paris un petit chef d'oeuvre qui donne envie de vivre et de crier, un petit miracle qui nous tombre sur le coin du nez, et tout bêtement le film de l'année. Que ce soit dit.
10/10

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"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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