28 juin 2006

THE ROAD TO GUANTANAMO

Il y a des films indispensables. Non pas qu'il soit fondamental de les avoir vus à tout prix, mais le simple fait de leur existence est rassurant et essentiel. Grâce au film de Michael Winterbottom, on gardera à tout jamais une trace de l'existence des camps de l'humiliation de Guantanamo Bay.
Seulement voilà : un film qui n'est qu'un témoignage n'a pas grand chose d'intéressant. Il ne faut pas oublier que nous sommes au cinéma, et qu'il est donc nécessaire de ne pas faire un simple reportage comme ceux qui iront moisir dans les archives de l'INA. Winterbottom l'a bien compris, et c'est une bonne nouvelle.
Au début, cependant, The road to Guantanamo fait un peu peur. Le film est d'abord un montage binaire : commentaire d'une victime ("on a pris l'avion pour aller au Pakistan") / illustration (le "héros" dans l'avion pour le Pakistan), etc., le tout étant tellement redondant qu'on n'a d'ores et déjà plus aucun espoir de voir un vrai bon film de cinéma. Ennuyeuse et prévisible, la reconstituion docu-fiction (terme très à la mode) n'apporte rien, et on baille.
Et puis, sans trop savoir pourquoi, Winterbottom semble se resaisir. Bizarrement, ce revirement se produit à l'instant même où les trois personnages principaux arrivent "enfin" à Guantanamo. Alors les témoignages face caméra se font plus rare, et le film peut commencer.
Alors, avec une crédibilité optimale, Winterbottom dissèque de façon presque clinique les mécanismes de Guantanamo. Humiliations, harcèlement moral et physique : le genre d'exactions qui vous poussent soit à tomber illico dans la dépression nerveuse, soit à vous blinder et à devenir une sorte de machine, inviolable et sans sentiments.
Documentaire pourvu de vraies qualités filmiques, The road to Guantanamo montre que le barbare n'est pas celui qu'on croit. Nos trois personnages sont des anglais d'origine pakistanaise qui passaient par l'Afghanistan pour se rendre au mariage de l'un d'entreux. Rien à voir avec Ben Laden. Aucune preuve contre eux. A peine une suspiscion. Pourtant, personne n'hésitera à les enfermer et à les traiter comme des ersatz d'animaux. C'est absolument révoltant, et ça fait froid dans le dos. Non pas que faire subir ce genre de sort à des vrais terroristes soit acceptable, mais qu'on le veuille ou non, c'est toujours plus intolérable lorsque des gens ordinaires sont touchés. Winterbottom montre que tout cela pourrait arriver à chacun d'entre nous : il suffirait qu'un gouvernement étranger décide de faire la chasse aux Européens imberbes, et n'importe qui pourrait se retrouver menotté, la tête dans son urine, sans aucune dignité. Rien que pour cela, The road to Guantanamo est un film qui vaut de l'or.
8/10

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"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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