2 déc. 2005

LA SAVEUR DE LA PASTÈQUE

Il y a au moins deux films dans La saveur de la pastèque : d'une part un drame dénué d'effets sur la timide relation d'une femme et de son voisin acteur porno, d'autre part une comédie musicale complètement imporbable et délirante. Comment allier les deux? En se gardant de les allier, pardi. Et en utilisant un procédé de "dramatisation inversée" : si la comédie musicale se fait de plus en plus délirante (le spectateur, sur son siège, jubile et rit aux éclats), le drame se fait quant à lui de plus en plus sombre et abject. Au milieu de tout ça, la pastèque agit comme une sorte d'allégorie passe-partout, au fonctionnement ultra efficace : substitut alimentaire, sexuel ou affectif, elle donne au film sa poésie et son sens. N'allez pas croire que Tasi Ming-Liang livre un film léger : la dernière scène, extrêmement longue, et sans aucun doute la meilleure de l'année, mêle le sordide au passionnel avec une intensité qui en rebutera plus d'un. Si Tsai Ming-Liang tente d'échapper à la censure en utilisant cette foutue pastèque à des fins détournées (voir l'affiche), le sexe est tout de même très cru et omniprésent. Mais la pornographie n'a jamais été aussi belle. Meilleur film asiatique de l'année, La saveur de la pastèque se distingue également par le style TML : une réalisation brillante, faite en majorité de longs plans fixes parfois contemplatifs, si beaux que l'oeil a du mal à choisir où il doit regarder. Nom d'une pastèque.
9,05/10

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"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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