3 oct. 2005

KEANE

Un homme erre dans une gare. Il cherche sa fille. Montre une coupure de presse aux passants. Première scène déchirante. Et puis on s'aperçoit vite que cet homme-là n'est pas un banal quidam. William Keane parle tout seul, ses pensées vont plus vite que ses paroles, il répète sans cesse les mêmes phrases, le moindre signe tourne à l'obsession. William Keane est schizophrène. Ça nous vaut vingt premières minutes insoutenables pour l'esprit, tant ce personnage hanté et psychotique semble empreint d'une détresse permanente. Mais, comme il sait qu'il ne faut pas abuser des bonnes choses, Lodge Kerrigan oriente ensuite son récit vers d'autres pistes : dans l'hôtel où il vit pour mener l'enquête sur la disparition de sa fille, Keane rencontre une femme et sa fille, qui logent là en attendant de retrouver le chef de famille parti bosser sur un chantier. Une relation pleine de gène, tout d'abord, les rapports étant assez ambigus et mal définis. Et puis la mère doit s'absenter, et Keane se voit contraint de s'occuper pendant quelques jours de la fillette. Enfer et damnation : une petite fille aussi mignonne, aussi jeune que sa propre enfant. On sent Keane prêt à basculer vers on ne sait quoi. On le craint. On l'espère...
Keane est un film harassant sur la solitude et le malheur d'un homme livré à ses démons. Comme la Claire Dolan de son précédent film, il n'a qu'un élément de sa vie auquel se raccrocher, une seule personne sur laquelle il peut compter. Et si elle lui claque entre les doigts, plus dure pourrait être la chute... Tout en longs gros plans étouffants, la réalisation de Lodge Kerrigan fait passer chez le spectateur exactement le même sentiment que celui qui habite William Keane : on se sent pris à la gorge. Le film doit beaucoup au formidable Damian Lewis, dont on craint au début qu'il se la joue un peu trop "Actor's studio", et qui libère ensuite toutes nos craintes pour ne faire plus qu'un avec ce personnage sensationnel, peut-être le mieux écrit de l'année. Kerrigan confirme son talent singulier, celui de bâtir un film entier sur un seul personnage, dont la puissance et la qualité d'interprétation sont des bases d'une solidité à toute épreuve. En sortant de Keane, on a la nuque glacée et la bouche sèche. Plaisir intense que seuls les grands films peuvent nous procurer.
9/10

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