On avait laissé David Lynch en 2002, après un Mulholland drive tellement intense et profond qu'on en cogite encore. A l'époque, une question taraudait les fans du réalisateur le plus 'bizarre' (prononcer à l'américaine) de l'Ouest : comment diable le Dieu Lynch allait-il pouvoir faire encore mieux, encore plus génial, encore plus fou?
Cinq années plus tard, INLAND EMPIRE (en majuscules s'il vous plaît, conformément aux désirs du metteur en scène) apporte enfin une réponse. Et celle-ci a le mérite d'être la plus claire qui soit : dépasser les Mulholland drive et autres Lost highway étant un défi impossible à relever, Lynch a tout simplement pété les plombs. INLAND EMPIRE est un gros machin biscornu est sans grand intérêt, un acte suicidaire et déprimant marquant la mort possible d'un réalisateur devenu mégalo.
Il est bien difficile de retrouver ici la moindre trace du style qui a fait la renommée de son auteur. INLAND EMPIRE ressemble à l'oeuvre d'un étudiant en cinéma qui aurait mal digéré l'influence lynchienne. Durant trois heures, Lynch met bout à bout des scènes sans queue ni tête et des plans suprêmement laids, qu'il ponctue de dialogues pas mieux. Se reposant sur ses acquis, pensant jouer une nouvelle fois sur la faculté du spectateur à construire lui-même sa propre version du film, il semble en être devenu paresseux.
Ce qu'il y avait de fascinant dans la plupart de ses films antérieurs, c'est qu'on cherchait souvent en vain à interpréter les motivations de ses personnages, pourquoi ils agissaient, à quel destin ils étaient voués. Dans INLAND EMPIRE, tout est tellement réduit à l'état de poussière que l'on ne comprend même pas ce que l'on voit. Rien n'attire l'oeil ni l'esprit, et l'on essaie alors de surnager au milieu de ce marasme. Le plaisir que l'on peut ressentir devant ce triste spectacle est semblable à celui qu'on éprouverait en tentant pendant trois heures de faire entrer une clé dans une serrure qui ne lui correspond visiblement pas.
Loin de l'expérimentation underground d'Eraserhead, loin des fascinants jeux de piste qu'il a pu concocter par le passé, Lynch livre un pur produit masturbatoire, le fruit de sa découverte de la DV. Avec ce petit outil, qu'il juge tellement incroyable qu'il n'envisage même plus de revenir à la pellicule, il perd tout le mystère qui caractérisait son cinéma. Auparavant, Lynch n'avait pas son pareil pour créer des ambiances baroques et leur injecter brusquement (et volontairement) une bonne dose de laideur dérangeante. Si la DV lui semble plus pratique, c'est qu'il lui suffit avec sa petite caméra de zoomer sur n'importe qui (un Polonais, une pute, William H. Macy) ou n'importe quoi (un trou de cigarette, un gros nez, une tête de lapin) pour obtenir un plan d'une laideur sans nom, ce qui n'a évidemment aucun intérêt.
Même s'il y a bien deux ou trois scènes à sauver et quelques plans typiquement lynchiens que l'on peut juger acceptables, INLAND EMPIRE est donc un somptueux gâchis, qui remet en cause la qualité même de toute la filmo de Lynch, tant le film semble montrer qu'il n'a jamais compris lui-même l'essence de son cinéma. En voilà une déception.
1/10
5 commentaires sur “INLAND EMPIRE”
scruter les ténèbres et apercevoir l'infini
Certes.
Mais non.
C'est marrant, mais si j'avais du talent c'est la critique que j'aurais faite pour Mulholland drive (sauf pour la DV)
Certes.
Mais non.
Mulholland drive, c'est du pur concentré de cinéma, qui peut se voir soit comme une succession de courts-métrages touchant au génie, soit comme un vrai puzzle qu'on devine assemblable sans jamais vraiment y arriver. Le genre d'objet magnifique et psychanalytique qui rend fou et suicidaire à la fois.
Alors qu'Inland empire semble tellement vide qu'il n'y a même pas d'analyse à en tirer.
Article sans aucun intérêt. Certaines personnes feraient mieux de consacrer leur vie à d'autres choses. Et se taire.
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