
Vendu comme un film rock, Good morning England n'en est pas vraiment un, à mille lieues de modèles comme Presque célèbre ou High fidelity (le nom du héros m'échappe). C'est davantage un film de mecs et un film d'époque, récit d'une épopée radiophonique haute en couleurs et riche en petites histoires. Ici, c'est clairement l'anecdote qui prime, le scénario n'étant pas construit sur une intrigue mais plutôt sur une série de portraits. Seule l'histoire du vilain ministre souhaitant faire interdire les radios pirates (Kenneth Branagh) sert de fil conducteur à cet enchaînement de saynettes, extrêmement vif mais manquant un rien de liant. On sent que le film aurait pu durer cinq heures de plus, Curtis manquant de temps pour exploiter les possibilités de chaque protagonistes. C'est d'ailleurs le principal (et seul ?) défaut de ce film fort sympathique : il aurait pu donner une série télé juste gigantesque. Il y a tant de personnages (8 DJs et quelques autres) qu'on a au final l'impression de les avoir à peine effleurés du doigt, chacun ayant son petit quart d'heure de gloire avant d'être tristement relégué au second plan. Nul doute que les morceaux de bravoure auraient semblé plus intenses ou plus émouvants si on avait réellement eu le temps de s'attacher aux héros.
En revanche, il est extrêmement aisé de se sentir chez soi dans ce beau et grand bateau, décor singulier et aux possibilités multiples, que Curtis exploite au mieux. Les couloirs sont nombreux, les chambres non loin des unes des autres, permettant au film de verser de temps à autres dans la comédie de boulevard avec amant dans le placard. Spécialiste du genre : Nick Frost, qui joue enfin autre chose que le bras droit de Simon Pegg, et qui illumine le film en bibendum très couru par les filles. Même si certains sont moins bien servis par le scénario, tous les acteurs sont empreints de la même énergie débordante, qui s'exprime différemment selon les rôles, du classissime Bill Nighy en dandy en chef au touchant Chris O'Dowd dans le rôle du pauvre marié. Ils nous ménagent quelques instants absolument délectables, nombre de répliques vraiment tordantes, et surtout une fin aussi improbable que magnifique. Cette longue conclusion ajoute au ton fantaisiste et déconneur des deux premières heures le véritable esprit rock qui lui faisait légèrement défaut jusque là, ainsi qu'une sacrée dose d'émotion. L'image de quelques pochettes de disque prenant l'eau renforce l'idée d'un film nostalgique, tourné tout entier vers une époque révolue, qui n'est plus reliée à nous que par une tripotée de bons disques. Le Nick Hornby des débuts, celui de Haute fidélité et 31 songs, ne cracherait sans doute pas sur ce Good morning England dont on attend la version longue.

Good morning England (The boat that rocked) de Richard Curtis. 2h15. Sortie : 06/05/2009.
Autre critique sur Sur la route du cinéma.