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14 juil. 2009

LE ROI DE L'ÉVASION

Même si sa sortie estivale risque de le faire passer inaperçu, Le roi de l'évasion marque pour Alain Guiraudie une avancée discrète mais palpable vers un cinéma plus populaire - mais toujours aussi particulier. En des temps où la frénésie régionaliste a tendance à se renforcer en France (l'effet Dany Boon ?), le film débute sur ce mode, introduisant un vendeur de matériel agricole qui démarche chez les agriculteurs du sud de la France - mais, par pitié, pas dans le Tarn et Garonne. Qui connaît Guiraudie sait bien qu'il ne se contentera pas de cela, et en effet : Arnaud fréquente les lieux de rencontre gay, se sert de son charme de gros nounours pour séduire et faire fructifier ses affaires... jusqu'à rencontrer et sauver à sa manière Curly, une belle adolescence en mal de mâle. De là, Le roi de l'évasion orchestre un possible coming in ainsi que la fuite en avant de son couple improbable.
Comédie loufoque souvent très osée, le film ne s'interdit quasiment rien, et fait exploser toutes les frontières. C'est clairement le message du réalisateur, déjà porté dans ses films précédents. Jeune/vieux, beau/laid, gay/straight, gros/maigre : tous les clivages sautent tôt ou tard, parfois simultanément, dans une réjouissante communion des coeurs et surtout des corps. Le roi de l'évasion est le film de toutes les libertés, qui considère le sexe comme un jeu souvent amusant et quasiment dépourvu de règles. Idem pour cette drôle de drogue nommée dourougne, racine procurant une vitalité sexuelle et intellectuelle faisant de chacun un étalon. On pourra reprocher au film une certaine insouciance et son absence de morale, qui ne condamne jamais les actes, même répréhensibles ou dangereux, de ses personnages. Mais Guiraudie n'a visiblement aucune autre ambition que de livrer un divertissement rafraichissant et totalement décalé.
Totalement impliqués dans des rôles pas évidents, les deux acteurs principaux participent assez largement à la réussite de l'ensemble. Ludovic Berthillot est une révélation assez incroyable, son physique tout en rondeur correspondant a priori mal aux canons de la beauté masculine. Pourtant, il est impossible de remettre en question le désir qu'il suscite chez tout un tas de protagonistes, même les plus inattendus. Quant à Hafsia Herzi, elle confirme enfin qu'elle n'est pas la fille d'un seul film, sa prestation d'une moiteur exquise ayant tout pour faire perdre la tête. Guiraudie les filme comme il respire, avec candeur et excitation. Se priver d'un tel spectacle, c'est comme refuser à la fois une sieste crapuleuse et une bonne crème glacée : juste inconcevable.




Le roi de l'évasion d'Alain Guiraudie. 1h37. Sortie : 15/07/2009.
Critique publiée sur Écran Large. Autre critique sur Laterna Magica.

26 janv. 2009

UN HOMME ET SON CHIEN

Il paraît que Francis Huster est un comédien respectable. Difficile à dire pour qui ne l'a vu que dans Le dîner de cons et soigneusement évité dans les séries et téléfilms de TF1. En tout cas, il semblerait que Francis Huster soit un réalisateur épouvantable, et il n'y a nul besoin de voir On a volé Charlie Spencer pour arriver à cette conclusion. Belmondo ou pas Belmondo, Un homme et son chien est un film consternant et lénifiant, qui ne donne ni envie d'être vieux ni de mettre les pieds au cinéma. C'est bien simple : avec sa brochette de stars et d'acteurs connus mais de seconde zone, il ressemble à un gigantesque catalogue de cabotins venus réciter leurs deux lignes, toucher leur cachet, et raconter toute leur vie qu'ils ont « tourné avec Bébel ». Il y en a même certains qui n'ont rien à dire mais se fendent d'apparitions faussement énigmatiques, tel Tchéky Karyo dans le rôle essentiel du « guitariste parc ».
Tout cela donc pour apparaître le temps d'une scène aux côtés de Jean-Paul Belmondo, jadis acteur phare du cinéma français, devenu le plus célèbre légume de France devant Paul-Loup Sulitzer (avec qui il partage l'amour des jeunes femmes avides de fric et un certain besoin de consulter un orthophoniste). Ce n'est pas vraiment de sa faute, mais sa seule présence ici donne envie d'être méchant envers lui, outil numéro un d'un film aussi vilain que manipulateur. Huster semble prendre un malin plaisir à exploiter sa sénilité totale et à rendre aussi pitoyables l'acteur et son personnage. Objectif : attirer en salle les nostalgiques du toc toc badaboum et les curieux lecteurs de tabloids. Tout ce petit monde sera finalement réuni dans la salle, essayant de comprendre les paroles du vieux monsieur, et de saisir l'intérêt de l'ensemble.
Filmant mal du premier au dernier plan, Huster nous la joue « la vie c'est dur » en multipliant les discours tout faits sur les filles-mères, la maladie, la vieillesse, la solitude, la rupture... Ça voudrait être triste et beau, c'est juste idiot, sans cohérence, et donc pollué par les apparitions incessantes de gueules connues. Pire que tout : une fin racoleuse au possible, qui tente en vain de créer un certains suspense en jouant avec la vie de ce type si usé par l'existence qu'il a un peu envie d'en finir. Devinez quoi : c'est son chien, son gentil chien, qui finira par décider pour lui. Parce que les animaux, ma bonne dame, ils ont un coeur, vous comprenez, même qu'on dirait des fois qu'il ne leur manque que la parole. On pensait qu'avec Une chance sur deux et surtout Amazone, Bébel avait fait le film de trop ; cette fois, c'est sûr, Un homme et son chien remplira aisément ce rôle, concluant tristement la carrière de cet acteur si populaire.
1/10

(autre critique sur Sur la route du cinéma)

17 déc. 2007

LA GRAINE ET LE MULET

Il fallait avoir la tête sur les épaules pour survivre au raz-de-marée L'esquive. La graine et le mulet prouve qu'Abdellatif Kechiche est un type équilibré, préférant poursuivre ses projets les plus personnels plutôt que de céder à l'appel du star-system. Interprété en majeure partie par des comédiens non professionnels, son film impressionne par sa grande maîtrise. La direction d'acteurs est en tous points remarquables, et la mise en scène démontre l'amour porté aux êtres humains autant qu'aux personnages. Et c'est parti pour 2h30, ni plus ni moins, d'une chronique familiale à la fois tendre et cruelle.
Kechiche joue la carte de l'authenticité, quitte à tomber dans l'excès. Il y a évidemment une certaine beauté dans le fait de voir cette grande famille partager le couscous maternel en discutant de choses et d'autres, simplement portée par un amour palpable. Mais lorsque ce genre de scène monopolise un quart d'heure de film, ça frôle la complaisance et la facilité. Heureusement, le film finit par se trouver un propos lorsque Slimane, le père solitaire et mutique, se met en tête d'ouvrir un restaurant sur un bateau. Le récit des galères, des premières joies et des tourments qui vont avec est une véritable réussite. Sans manichéisme, le metteur en scène pointe du doigt ce qui est important, le désir d'entreprendre et de ne pas céder aux sirènes de la passivité.
Le film aurait sans doute gagné a être plus resserré, la longueur de certaines scènes n'ayant pas de réelle justification. Ce spectacle-là n'a rien d'ennuyeux, mais on l'aurait voulu plus dense. C'est vrai en particulier dans la dernière partie du film, qui étire jusqu'à la rupture quelques scènes potentiellement très fortes. Le propos est édifiant, presque trop, et le constat d'un pessimisme qui fait froid dans le dos. Le problème, c'est qu'il faut vingt bonnes minutes à Kechiche pour nous emmener vers sa conclusion, là où un peu plus de suggestion aurait été souhaitable. À l'arrivée, on se retrouve le cul entre deux chaises face à un film sincère et plein d'enseignements mais dont le traitement finit par sembler presque scolaire tant il est appuyé. La graine et le mulet ressemble à un petit film de Ken Loach. C'est déjà énorme, certes ; mais au vu de ses deux premiers films (et surtout le formidable mais méconnu La faute à Voltaire), nul doute qu'on pouvait attendre bien mieux d'Abdellatif Kechiche.
6/10
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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