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14 avr. 2008

LE PREMIER VENU

C'est vrai que les films de Doillon sont rarement rigolos, et qu'on y entre souvent une certaine appréhension. Celle de passer deux heures à s'ennuyer sec devant un gros machin d'auteur pas engageant pour deux sous, austère et hermétique. Le premier venu dissipe rapidement ces craintes, entrant tout de suite dans le vif du sujet et ne nous lâchant plus que par intermittences. Les yeux noirs, intenses, profonds de Clémentine Beaugrand sont une invitation au voyage ; on aura beau ne jamais quitter la baie de Somme, on s'envolera pourtant à des lieues de son siège.
Sous des aspects très classiques (triangle amoureux, film social et j'en passe), Le premier venu est sans doute le film le plus insaisissable de l'année. Ça commence par cette course-poursuite immobile entre une très jeune femme et le type qui lui a pris (c'est le mot qui convient) sa virginité. Elle l'avait choisi au hasard et persiste à s'accrocher à lui, parce que ce qu'elle lui a donné, indépendamment de la beauté du moment, crée entre eux un lien indéfectible. Entre en piste un jeune flic sans doute un peu amoureux de cette fille, qui va se mêler de ce qui ne le regarde pas. C'est en tout cas le début, puisque cette aventure doillonesque a ceci de fascinant qu'elle fait évoluer sans cesse les personnages et les évènements. On a rarement vu quelque chose d'aussi inconfortable, tant il faut réévaluer et réanalyser chaque partie du tout et le tout lui-même à chaque seconde. La Camille en question est-elle simplement une fille paumée en quête d'un grand amour, une désespérée s'accrochant à n'importe qui pour se donner l'air d'exister, ou autre chose encore ? Et ce fameux "premier venu", du nom de Costa, n'est-il qu'un minable et une petite tête, ou a-t-il autre chose à offrir ? Le premier venu est une question gigantesque, qui déroule avec grâce des scènes d'une beauté limpide et casse le rythme en insérant l'air de rien quelques micro-fissures issues de l'univers du film noir. Sur le moment, c'est perturbant ; avec un peu de recul, c'est relativement salvateur.
Comme très souvent, la qualité d'un Doillon dépend de celle de ses interprètes. Il y a donc cette Clémentine Beaugrand, regard hypnotique et volonté d'acier, captant la lumière comme personne et portant le film sur ses pas si frêles épaules. Et il y a Gérald Thomassin, sans doute meilleur que jamais, donnant à son personnage une complexité telle qu'on ne sait jamais s'il faut l'adorer ou le rejeter en bloc. Les autres ne sont pas mal non plus, bien mis en valeur par une mise en scène pure, simple, respirant l'évidence et le naturel. Quoi de mieux pour un film sur le regard qu'un metteur en scène qui pose le sien sans juger, extrayant simplement là beauté de là où elle est ?
8/10

18 janv. 2007

JACQUOU LE CROQUANT

Le gentil mais frêle Gaspard Ulliel en justicier devant la caméra du clippeur de Mylène Farmer? Il faut avouer que sur le papier, Jacquou le croquant manquait de mordant (désolé). Et s'il y a là-dedans des longueurs, un maniérisme parfois agaçant et des défauts dans tous les coins, bizarrement, le film parvient à répandre une aura surprenante d'épaisseur et de mystère.
En voyant Jacquou le croquant, on devine facilement quelles ont été les influences de Laurent Boutonnant : par son thème et certains aspects de son traitement (toutes proportions gardées), le film tente de ressembler à Gangs of New York ; mais l'aspect "modernité sous couvert de film en costumes" fait également penser au Christophe Gans du Pacte des loups. Avec aussi de vrais morceaux de Boutonnant : parfois, on a l'impression que Mylène Farmer va apparaître dans un coin de l'écran pour murmurer qu'elle est libertine, qu'elle est une câtin. Mais au final, en creusant un peu, Jacquou le croquant ressemble surtout à un film de super-héros. Jacquou est un peu notre Batman à nous. Avec l'homme chauve-souris, il partage un trauma d'enfance : parents usés jusqu'à la corde et achevés par un méchant sans coeur. Puis recevra une bonne éducation avec un curé et un chevalier, ses Alfred à lui. Retrouvant le responsable de son enfance malheureuse, il laissera sa vengeance arriver à maturité, le temps pour lui de prendre un peu de muscle et d'assurance, et de découvrir son repaire secret, sorte de batcave sans batmobile. Et finalement, c'est en plein coeur de la nuit la plus noire qu'il assouvira sa soif de justice.
Comme dans Batman, il y a deux femmes, et la méchante est mille fois plus attirante que la gentille. Comme Bruce Wayne, Jacquou possède deux personnalités, l'une avide de sagesse, l'autre ne pouvant se résoudre à laisser l'injustice planer. Et c'est dans ce petit monde d'heroïc-fantasy sans héros charismatique ni fantaisie que Laurent Boutonnant parvient à laisser s'exprimer son envie de filmer. Plus le film avance, et plus Gaspard Ulliel se fait convaincant : sur la fin, on se dit même que lui avoir confié le rôle de Hannibal Lecter dans un film à venir le mois prochain a tout d'une bonne idée.
Reste à Boutonnat à se faire plus cohérent sur la forme, à davantage approfondir son écriture. Mais nul doute qu'il possède tout le potentiel pour en faire un très bon réalisateur, et qu'une fois qu'il se sera débarrassé de sa simple étiquette de clippeur, il parviendra à réaliser de vrais succès populaires de qualité.
7/10
 
"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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