2 août 2011

BEGINNERS | THE FUTURE


Et pourquoi pas placer dos à dos — ou peut-être côte à côte — Beginners et The future, liés ne serait-ce que par la relation amoureuse qui unit leurs réalisateurs respectifs, à savoir Mike Mills (Âge difficile obscur) et Miranda July (Moi, toi et tous les autres). Une convergence pas si artificielle puisque tous deux livrent un cinéma terriblement personnel, repoussant assez loin les limites de l'intime, et où la notion de couple est fortement mise en avant.

Dans Beginners, le héros joué par Ewan McGregor assiste à l'implosion de ses certitudes : à 75 ans, son père effectua en effet son coming out après avoir tu son homosexualité pendant toute sa vie. Le film suit Oliver, artiste de talent, à deux moments de son existence : quelques mois avant le décès du fameux paternel, rongé par un cancer mais bien décidé à profiter de sa nouvelle vie jusqu'au bout, et après le décès de celui-ci, au moment même de sa rencontre avec Anna, une française indépendante et libre comme l'air.

Dans The future, l'héroïne (July elle-même) et son compagnon disposent d'un dernier mois rien qu'à deux avant de recueillir Paw Paw, un chat abandonné et souffrant. Ces trente jours sont pour eux la dernière occasion d'accomplir des choses véritablement importantes avant de ne plus en avoir la possibilité.

Chacun des deux films, à sa manière, joue la carte du compte à rebours et fait du temps un ennemi pas tout à fait malfaisant, qui vous accule pour mieux vous contraindre à crier qui vous êtes réellement. Le brutal changement de vie du vieil Hal dans Beginners rejoint le besoin qu'éprouvent les Sophie et Jason de The future de se trouver enfin. Les personnages semblent stimulés par le couperet qui s'apprête à s'abattre sur eux, même si la concrétisation semble plus sereine chez Hal, pourtant à deux doigts de s'éteindre, que chez Sophie et Jason, qui semblent avoir encore toute la vie devant eux.

Il y a aussi cette fascination pas si innocente pour les animaux qui parlent. Dans Beginners, le chien Arthur n'hésite pas à exprimer ses sentiments à Oliver, ceux-ci étant tout simplement retranscrits à l'aide de sous-titres. Très concerné par l'histoire qui naît entre son nouveau maître et l'intrigante Anna, il semble bien décidé à ne pas laisser Oliver (Ewan McGregor, grandiose) répéter les erreurs du passé. Qu'on se rassure, il ne s'agit pas d'un chien magique façon Chihuahua de Beverly Hills, capable de prendre réellement les choses en main pour arriver à ses fins : Arthur n'est là que pour apporter un point de vue légèrement différent sur les événements qui se déroulent sous ses yeux. Dans The future, c'est en voix off que le chat Paw Paw (dont on ne voit généralement que les deux grosses pattes avant) raconte les trente journées qui le séparent de son arrivée programmée chez Sophie et Jason. Miranda July prête ses drôles de cordes vocales à l'animal, dont l'utilisation semble moins futile que chez Mills : il s'agit là encore d'expliciter l'étrange relation de la cinéaste avec la notion de temps qui passe. Dilatées, distordues, les heures semblent se succéder sans souci de cohérence ou d'égalité. Au fond de sa cage, avec pour seul point de vue l'horloge du cabinet vétérinaire, Paw Paw a de quoi sombrer dans la dépression.

Et puis il y a cette vision du couple. Menant des carrières d'artistes polyvalents et indépendants, July et Mills expriment tous les deux leur incapacité de vivre un amour fusionnel dont ils semblent pourtant avoir très envie. Dans Beginners, cela se traduit par la bougeotte permanente du personnage d'Anna (Mélanie Laurent, très bien), qui va d'hôtel en hôtel et de ville en ville pour fuir cette stabilité qui l'effraie tant. Pas sûr que cette façon de voir les choses soit très neuve, même si les choses ont le mérite d'être claires. Dans The future, cette fêlure conjugale se ressent de façon bien plus viscérale, non seulement au niveau du style — un mur de glace semble séparer Sophie et Jason, et ce dès leur première apparition devant la caméra, sur un canapé pourtant censé les rapprocher —, mais également sur un plan narratif. Très vite, Sophie semble en effet opérer un glissement qui l'éloigne du cercle intime pour la pousser dans les bras de Marshall, père de famille plus âgé qu'elle et dont on peine à percevoir le charme. Comme s'il fallait trouver n'importe quel moyen de fuir toute forme d'engagement durable. La beauté de The future, c'est que tout ceci ne s'effectue pas à la façon d'une bête comédie de moeurs, puisque Richard Kelly et David Lynch semblent s'être invités à la fête. L'étrangeté malsaine de la relation de Sophie et Marshall et son côté potentiellement onirique ont de quoi perturber sacrément.

C'est là, dans le style et la façon de raconter, que Mike Mills et Miranda July ne semblent plus tout à fait sur la même longueur d'onde. Lui opte pour un dispositif résolument classique, celui d'une comédie dramatique indépendante qui nous propose de côtoyer de façon fort éphémère quelques personnages attachants pendant une heure quarante-quatre. Elle prend des risques parfaitement inconsidérés, quitte à semer une partie de son auditoire ou à se planter de temps à autres, en triturant le temps et l'espace jusqu'à offrir une vision ô combien déstabilisante et déprimante du couple des années 2000. Mills, dont l'histoire est très largement autobiographique, voudrait nous faire entrer dans son intimité, rendre ses protagonistes familiers, nous mettre le nez dans sa propre vie, mais il y échoue en partie. D'abord par excès de pudeur, ensuite parce que ces gens-là sont trop beaux et trop riches pour qu'il soit réellement possible de s'identifier à eux et à leurs petits soucis quotidiens. En revanche, July ne cache à aucun moment la peur panique qui la prend dès qu'il est temps pour elle de se mettre à nu, ce qui rend d'autant plus touchant la façon dont elle finit par le faire. Soubresauts narratifs, plongées métaphysiques et étrangetés visuelles sont là, jusqu'à une scène bouleversante de chorégraphie dans laquelle son corps et son esprit semblent enfin s'abandonner.

Beginners :

The future :


Beginners de Mike Mills. 1h44. Sortie : 15/06/2011.
The future de Miranda July. 1h31. Sortie : 17/08/2011.
Bientôt : une interview de Miranda July à retrouver ici.

1 commentaire sur “BEGINNERS | THE FUTURE”

Anonyme a dit…

Une affiche me siérait bien ----> check aureliefischler
MERSEA bien.

 
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