S'il devait ne rester qu'un exemple récent d'une "fille de" n'ayant pas volé son entrée dans le monde du cinéma, il y aurait mille raisons de jeter son dévolu sur Léa Seydoux, actrice grave et magnétique, qui devrait joliment mûrir avec le temps à condition de ne pas s'enfermer trop longtemps dans des rôles de lycéenne. Elle incarne ici Prudence Friedmann, ado de 17 ans venant tout juste de perdre sa mère et profitant de l'absence momentanée de son père pour tester les joies et les désagréments d'une vie en autonomie. Une sensation de liberté absolue qui se muera rapidement en sentiment de profonde solitude. Pour la jeune fille se muant en jeune femme, c'est l'heure des premières désillusions, le temps de prendre conscience qu'une vie d'adulte n'a rien du havre de possibilités et d'opportunités auquel on croit aboutir lorsqu'on est trop jeune pour comprendre. La dureté de cet apprentissage, la réalisatrice Rebecca Zlotowski la compense idéalement par un traitement frontal mais assez doux, comme du Pialat version ouatée. Une impression renforcée par un cadre soigné mais pas chichiteux, et par une désorientation temporelle qui fait que l'histoire de Prudence pourrait se dérouler de nos jours comme dans les années 70.
Belle Épine a quelque chose de fugace, d'un peu éphémère, sans doute en raison de sa brièveté et de l'absence d'intrigue à proprement parler. Zlotowski semble moins intéressée par ses situations que par ce qu'elles impliquent de spirituel ou de sensoriel. Ce que confirment son traitement de la spiritualité et de la sexualité, souvent abordées par le biais de discussions délicieusement étirées, transcendées par une brochette de jeunes acteurs ayant déjà franchi le statut d'espoirs du cinéma français. Anaïs Demoustier, Johan Libéreau, Guillaume Gouix : des noms encore trop méconnus pour des interprètes qui comptent, et qui livrent ici des prestations convaincantes mais discrètes. Si Belle Épine a tendance à frustrer, c'est justement parce qu'on aimerait en voir plus, savourer plus longtemps la présence des comédiens, tenter d'apprivoiser sa cinéaste. Mais c'est une frustration saine, le film semblant parfaitement dosé.
Peut-on en conclure pour autant à l'avènement d'une réalisatrice de talent ? Prudence (tiens donc) : car si ses personnages parlent souvent beaucoup, Zlotowski semble hésiter à se livrer, à l'instar de son héroïne. Il lui faudra sans doute se montrer moins évasive et plus rentre-dedans pour parvenir à imposer véritablement une identité de cinéaste. Mais il y a sans nul doute, dans sa façon de filmer des errances nocturnes ou des raids à moto, quelque chose qui la distingue de la plupart des réalisateurs de premiers films souvent trop conscients de jouer leur carrière sur un coup de dés, et accentuant excessivement les aspirations auteurisantes de leurs films. Belle Épine fait montre une sensibilité sans égal dans le paysage cinématographique français actuel, notamment par son étonnante façon de combiner à un cinéma potentiellement parisiano-nombriliste des influences inattendues comme celle du fameux giallo. À l'incroyable bande originale (signée d'un certain Rob, du groupe Phoenix) s'ajoute en effet une façon fort reconnaissable de filmer le royaume de la nuit.
Belle Épine de Rebecca Zlotowski. 1h20. Sortie : 10/11/2010. Sortie DVD : 04/05/2011.
Toutes pour Une : la bande-annonce
Il y a 1 jour
2 commentaires sur “[DVD] BELLE ÉPINE”
Tout à fait d'accord sur Léa Seydoux. Elle s'est fait voler son César en plus ...
Oulala, sans tenir nullement compte de la glorieuse ascendance de la demoiselle, elle agit sur moi comme un véritable repoussoir à film. Je la trouve aussi mauvaise qu'en son temps une certaine Laura (puisqu'il faut quand même parler des filles qui réussissent grâce à leur talent
:-)). En plus question physique je trouve que la fadeur de son visage n'a d'égale que la disproportion de son nez (mix du groin et de la patate MDR !) !
Tu as raison, jouer encore des ados soupirantes de 17 ans à 26, cela prouve la maturité de la demoiselle. Mais c'est une autre histoire. On n'a jamais été trop regardant sur les âges des acteurs par rapport à leurs rôles.
Et puis j'ai lu quelques interviews où elle se montre particulièrement antipathique, tellement sûre d'elle !
Mais dans ce Bel Epine, il y a Anaïs (une vraie merveille, elle) et MON Guillaume ?? Je ne le savais pas. Du coup je déteste encore plus la Saindoux de m'avoir fait manquer ce film !
Enregistrer un commentaire