6 févr. 2007

LES CLIMATS

Il y a trois ans, Nuri Bilge Ceylan débarquait avec Uzak, chronique contemplative et rigolarde sur la cohabitation tumultueuse de deux cousins turcs. Le genre de film assez beau, mais dans lequel il fallait se farcir de très longs plans fixes injustifiés entre deux scènes de qualité. Heureusment, Les climats marque une nette évolution dans le style de Ceylan : celui-ci a un peu plus de choses à raconter, et sa façon de mettre en scène son histoire est enfin devenue personnelle, loin des carcans trop rigides du cinéma d'auteur lambda.
Les climats est simplement l'histoire d'une rupture. Sous un soleil de plomb, Bahar (c'est la femme) et Isa (le mec, donc) se séparent. Provisoirement peut-être. Ou pas. Ensuite, au gré des saisons, chacun vit la séparation comme il le peut. Le sujet n'est pas neuf? Certes. Mais Ceylan (qui réalise, scénarise, produit, cadre, monte, et joue le rôle principal aux côtés de sa jeune femme) le traite avec une cruauté dont on ne le croyait pas capable, et avec un style tout en hors-champ et en variations picturales qui rend Les climats proprement unique. Parce que sa mise en scène est sans cesse le reflet de ce que vivent ses personnages, parce qu'il a rangé sa pudeur au vestiaire pour offrir quelques scènes d'une vraie violence morale (la virée à moto, et surtout LA scène érotique, sommet de malaise parce qu'on se demande longtemps après le film s'il ne s'agirait pas d'un demi-viol), Ceylan révèle un tempérament de feu et une fascination méthodique pour le fonctionnement de nos vies. Souvent comparé à Antonioni à l'époque d'Uzak, il s'impose ici en digne héritier d'Albert Camus (on pense souvent à L'étranger, pour les scènes de plage et pour l'indifférence totale du personnage principal à l'égard de ce qui l'entoure). Et, c'est suffisamment rare pour être souligné, montre une réelle aisance à évoluer à la fois devant et derrière la caméra. On ne sent jamais aucune retenue, ni dans la mise en scène, ni dans l'interprétation. Ces Climats-là sont une vraie réussite, et pas besoin d'être Laurent Romejko pour s'en rendre compte.
9/10

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"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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