29 nov. 2006

LES INFILTRÉS

En s'attelant à un scénario adapté d'un film déjà existant (le pas dégueu Infernal affairs, d'Alan Mak et Andy Lau), Martin Scorsese faisait preuve d'un manque d'ambition apparent. C'est du moins ce que l'on pensait ; mais imaginer le réalisateur le plus sourcillu du monde se la couler douce en réalisant des films paresseux revenait à s'enfoncer le doigt dans l'oeil. Armé d'un casting foisonnant (DiCaprio, Damon, Nicholson, Sheen père, Baldwin, Wahlberg...), et criant sur les toits qu'il n'a pas vu Infernal affairs et qu'il s'en tamponne le coquillard, le grand Marty déboule avec The departed (ah non, pardon, Les infiltrés, titre français de dernière minute), polar urbain et nerveux qui offre une vision nouvelle à une histoire déjà traitée.
Devinette. Quelle est la différence majeure entre Infernal affairs et Les infiltrés? Réponse : une heure. Là où Mak & Lau livraient un thriller nerveux, sans temps mort ni fioritures, Scorsese prend tout son temps pour faire vivre ses personnages et donner à la ville de Boston une vraie dimension. Cette fois, pas d'italo-américains, mais des Irlandais d'origine, au sang tout aussi chaud et aux jurons plus imagés. Ça jure dans tous les sens (surtout Nicholson, délicieusement cabotin) et c'est un régal.
La durée conséquente du film (2h30) est également due au fait que le scénario se refuse à laisser la moindre zone d'ombre quant au passé des personnages principaux ; et à vrai dire, on aurait davantage apprécié un poil plus de mystère. Aucun grain de sable dans les rouages, aucun défaut dans la machinerie : filmeur né, Scorsese déroule tranquillement une intrigue aux petits oignons, avec ce qu'il faut de perversion, de jeux de miroirs et de (légères) surprises. Pas grand chose à dire là-dessus : simplement, Les infiltrés manque un peu d'âme, de matière, de chaleur dans les rapports humains (pour le coup, et c'est dur à dire, Scorsese devrait jeter un oeil sur le récent travail de Michael Mann). Le film aurait pu être plus tendu, nerveux, haletant : au lieu de quoi on a droit à un chassé-croisé certes bien troussé mais pas plus prenant que la moyenne. Scorsese à peu près hors de cause, on en vient à rejeter la responsabilité sur les épaules de ses interprètes. Et en effet, si leurs gueules de gamins correspondent plutôt bien à ce qu'on attend de leurs personnages (de jeunes loups infiltrés chez l'ennemi et lancés un peu trop vite dans le grand bain), on sent un manque évident de maturité chez eux. Si c'était prévisible pour DiCaprio, on attendait mieux de Matt Damon, qui ne retrouve à aucun moment le charisme qu'il avait en Jason Bourne. Et si les seconds rôles sont assez impeccables, des rôles à vocation presque uniquement comique (comme celui de Mark Wahlberg) ne peuvent que nuire à ce genre de film. À l'image d'un dernier plan laconique qui ne cadre pas du tout avec ce qui précède.
7/10

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"Bienvenue au royaume du pisse-froid inculte qui est au cinéma ce que Philippe Manoeuvre est au rock" (© Trollman)
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