L'amputation est un acte souvent inévitable (on le fait rarement par plaisir), mais toujours douloureux, tant physiquement que moralement. Si Selon Charlie était un homme, nul doute qu'il vivrait actuellement dans un malaise profond, une lente et délicate phase de reconstruction.
Après avoir été atomisé par la critique cannoise, le film a été remonté et saucissonné, pour ne plus durer que 115 minutes au lieu des 155 d'origine. Dès le début, on le ressent aisément. Nicole Garcia raconte les sept destins de sept hommes cabossés, montrés chacun à leur tour dans de petits segments. Sauf que le montage resserré a donné des short cuts très très short. Des plans abrupts coupés un peu sommairement, comme s'il fallait à tout prix tailler dans le gras du film. Résultat : on est un peu perdu.
Perdu mais séduit quand même, car Garcia possède un vrai regard sur ses personnages. Si sa mise en scène est moins affûtée que dans ses films précédents, c'est pour mieux épouser les corps et zoomer sur les blessures intérieures. Passée une première demi-heure maladroite, le film prend enfin son essor pour ne plus jamais retoucher terre (ou presque). Il y a certes des histoires plus fortes que d'autres, des petits morceaux çà et là dont on ne voit pas bien l'intérêt, mais tout cela donne au film un aspect gueule cassée qui ne repoussera que les réfractaires (oui, pléonasme, mais je me comprends).
On est en droit d'être déçu par la performance générale des comédiens, chacun restant dans son style propre sans jamais dépasser celui du voisin. Bacri fait du Bacri, Peolvoorde du Poelvoorde, idem pour Magimel et Lindon. Alors forcément, celui qui l'emporte dans ce combat relevé, c'est le moins connu, Patrick Pineau. Il impose une force et un respect assez rares dans le cinéma français. De là à dire qu'il donne toute sa force au film, il n'y a qu'un pas, qu'il vaut mieux ne pas franchir, mais quand même.
Dans "grand film malade", il y a "grand film", et ce ne sont pas les quarante minutes manquantes de ce Selon Charlie un peu manchot qui l'empêcheront de séduire son public. En attendant (peut-être) le director's cut (y a pas que Ridley Scott qui y a droit)?
8/10
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