BATALLA EN EL CIELO

Batalla en el cielo arrive sur nos écrans précédé d'une réputation sulfureuse : après la scène de baise d'une octogénaire dans Japón, le premier film de Carlos Reygadas, voici la fellation pratiquée par une très belle jeune fille sur un homme beaucoup moins jeune et assez gros. Le genre de polémique qui fait surtout parler ceux qui n'ont pas vu le film, comme d'habitude. Parce que bon, oui, certes, le film s'ouvre et se clôt sur cette toute petite pipe non simulée, mais c'est tout, finalement. Même si on ne comprend pas tout à fait l'objectif de Reygadas dans cette scène (et dans deux très "jolies" scènes de sexe auxquelles j'ajoute un ou deux plans que n'aurait pas reniés Gustave Courbet), il est clair que le but n'est pas de choquer. C'est plutôt doux, cotonneux, un peu à l'image de l'affiche du film, avec ces nuages qui viennent recouvrir le corps de la jeune femme.
Pas de scandale, donc. Mais alors, quoi? Déjà, une mise en scène grandiose. Chaque image est un véritable tableau, chaque mouvement de caméra fait frissonner, on bave devant tant de génie filmique, et rien que pour ça, on ne regrette pas le prix du billet.
Le scénario laisse plus perplexe : en fait, le pitch du film (pour se faire du fric, un couple enlève un bébé qui meurt accidentellement) constitue ce qui se passe avant le début du film. reygadas évite donc tout racolage et tout sensationnel pour se consacrer à quelque chose de plus pur. Mais quoi? L'errance de Marcos, le pauvre chauffeur rondouillard sur lequel pèse le poids de la mort de cet enfant ainsi qu'un fort désir pour Ana, la fille de son patron, belle à se damner, et qui se prostitue pour son plaisir. Beaucoup plus accessible que Japón (dont la lenteur n'était pas franchement attractive), Batalla en el cielo est un film autrement plus grave. Soulève-t-il des interrogations philosophiques essentielles? Si oui, je suis totalement passé à côté. Mais, rien qu'en se laissant porter par cette histoire de plus en plus cruelle, on prend Batalla en el cielo en pleine face, et ce n'est absolument pas grâce à ses quelques images sulfureuses, mais grâce au talent de Monsieur Reygadas.
7/10