Ce projet pouvant sembler aberrant sur le papier accouche pourtant d'une merveille de cohérence, une étude éthique de la condition de cinéaste documentaire. Quelles limites se fixer ? Laisser faire les choses et les gens, ou mettre en scène ? La fantaisie du réalisateur ne l'empêche pas de répondre à ces questions en profondeur, le sujet de base s'y prêtant parfaitement. Ne voulant pas risquer d'être reconnus, le jeune homme et sa fiancée sont d'abord floutés, puis dissimulés derrière des masques en 3D, ajoutés après le tournage. Procédé singulier pour assurer l'anonymat des sujets sans mettre au rebut toute ambition esthétique. Et bizarrerie supplémentaire à mettre au crédit du film : lorsque les personnages portent la main à leur visage, celle-ci passe étrangement "sous" celui-ci de par une imperfection technique dont on peut imaginer qu'elle est volontaire.
La petite limite de l'ensemble, c'est que le procédé est si fascinant qu'on en vient à se désintéresser du sujet premier du film. Celui-ci offre pourtant de belles interrogations, notamment dans les scènes mettant face-à-face le soldat et sa fiancée, celle-ci offrant un contrepoint moral déroutant pour celui qui avoue avoir pris plaisir à tuer. Malgré les masques, leurs regards ne trompent pas : ces deux-là s'aiment, mais peinent à retrouver leur harmonie d'antan, les évènements ayant creusé un fossé entre eux. Quand ils estiment en avoir assez fait pour Mograbi, ils décident d'éteindre la caméra, se faisant à la fois acteurs et moteurs d'un objet passionnant du début à la fin.
8/10
(également publié sur Écran Large)
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