On a beaucoup vanté l'inventivité et la jeunesse du cinéma fantastique espagnol, emmené vers les cimes par le duo Alejandro Amenábar - Mateo Gil. Quelques années plus tard, c'est au tour du polar ibérique de s'imposer en force, grâce au talent de jeunes auteurs comme Enrique Urbizu ou Jorge Sánchez-Cabezudo. Premier long-métrage primé à Cognac, La nuit des tournesols est un polar réaliste doublé d'une étude fouillée de la perversité des sentiments humains.
Écrit à la manière d'un roman noir, le film est découpé en six chapitres, chacun étant conté selon le point de vue d'un personnage différent. Rien à voir avec un nouveau Rashômon : l'ordre chronologique est respecté, de sorte qu'aucune des six parties ne se recoupe. L'objectif de Sánchez-Cabezudo est d'incorporer à une base de film noir (une femme fatale, un viol, une vengeance) une véritable étude de moeurs. La nuit des tournesols se déroule dans un petit village où tout les habitants se connaissent et où les secrets ne sont jamais bien gardés. On n'est pas pour autant dans Les chiens de paille : plutôt que de chercher à instaurer le malaise, le metteur en scène bâtit une véritable étude sociologique sur la base de cette poignée de personnages. Ou comment, en deux heures, passer en revue les travers principaux de la race humaine (lâcheté, orgueil, appât du gain) sans pour autant ressembler à un simple catalogue.
La trame est simple, la lisibilité évidente, et la discrétion de la mise en scène met parfaitement en valeur un scénario finement ciselé, qui refuse de s'inscrire dans le schéma traditionnel du whodunit pour mieux se débarrasser de tout artifice. Réaliste et saisissant, La nuit des tournesols est la révélation d'un auteur forcément en devenir, dont on reparlera à coup sûr.
8/10
(également publié sur Écran Large)
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