
Cependant, personne n'est obligé de regarder Home, et heureusement. Au risque de passer pour un gros salaud se moquant bien de l'avenir de la planète bleue (ces deux derniers mots étant à prononcer les yeux écarquillés vers l'horizon, pour montrer qu'on est impliqué et ému), chacun est tout à fait libre de décider de passer les 2 heures que dure le film (1 heure 30 pour la version télé) à faire autre chose. Et ce sans avoir à fournir la moindre raison. On peut aussi avoir envie de se justifier un peu, d'expliquer pourquoi on se tamponne le coquillard de ce prétendu évènement.
D'abord, Home ressemble de très près à une opération de green washing destinée à faire reluire monsieur Pinault, ponte de la vente par correspondance et du cosmétique qui tache, et ayant assez peu de leçons à donner côté environnement. Le green washing, c'est ce procédé qui consiste à se donner bonne conscience et à montrer publiquement ses penchants écolos par le biais d'opérations commerciales et populaires. Ça permet de montrer qu'on est un type bien, pas juste une pompe à fric. Un synonyme connu est "foutage de gueule".
Ensuite, il est parfaitement permis (et même largement conseillé) d'être totalement réfractaire au travail de monsieur Arthus-Bertrand, qui fait son beurre depuis des lustres sur la base d'une seule idée : faire pleurer dans les chaumières en filmant tout ce qu'il trouve du haut de son hélicoptère. Home n'est qu'une énième variation de sa Terre vue du ciel, série de photographies déclinées jusqu'à plus soif en calendriers, bouquins cale-porte, lithographies et sous-bocks. Tant pis si ça passe pour du délit de faciès, mais la mentalité arthusienne se lit en totalité sur le visage de son auteur, sorte de mix entre un ravi de la crèche et un altermondialiste made in Larzac, lissant entre ses doigts sa moustache blanche, blanche comme les glaciers, vous savez, ceux qui fondent si vite que bientôt les ours polaires vont se noyer.
Car c'est ça, le seul et unique tenant de la "réflexion" du monsieur : résumer le monde par une série de cartes postales idylliques ou apocalyptiques, et pointer du doigt le spectateur en lui disant que s'il continue à prendre sa voiture pour aller faire ses courses et à reprendre du dessert alors que d'autres crèvent de faim, la Terre se transformera sous peu en une gigantesque boule de feu. Si Al Gore et sa Vérité qui dérange faisaient déjà preuve d'un didactisme et d'un moralisme des plus pénibles, ce n'est rien à côté de ce type qui, croyant avoir inventé la vue du dessus, nous crie « j'ai mal à la planète » à la façon d'un Francis Lalanne des bons jours. Évidemment, que la Terre va mal ; évidemment, qu'il y a des comportements à revoir ; ce n'est sans doute pas en empilant lieux communs, schématisme et bons sentiments qu'il va en sortir quelque chose.
Pour finir, et si quelqu'un a eu le courage de lire jusqu'ici ce qui va sans doute être considéré comme un ramassis de médiocrité, voici un extrait imaginaire de la critique que l'on trouvera très probablement ici et là, dans différents medias ciné ou sur des forums aux contenus divers. Ceux qui auront vu le film me diront si je me trompe.

La mission menée par Arthus-Bertrand est d'une grande beauté, et en même temps d'une infinie simplicité : d'un continent à l'autre, dans tous les recoins de l'univers, il élève sa caméra et son point de vue pour nous en montrer les ressources, les textures, les couleurs. Il nous fait toucher du doigt la magie totale qui fait que la vie est possible et appréciable, et que l'existence de chacun fait sens, du pauvre paysan dogon à l'informaticien tokyoïte. Sans jugement, en soulignant ses images d'une légère voix off destinée à enrichir également notre savoir, le réalisateur nous fait faire le tour de la Terre et finit par dresser un constat assez terrible : nos jours sont possiblement comptés. Les merveilles de la nature risquent de disparaître une à une, les hommes finiront par payer la standardisation du monde et la multiplication des gaz à effet de serre... C'est un cri d'alarme sincère et humain que nous offre Arthus-Bertrand, qui a fait des pieds et des mains pour que son oeuvre soit accessible à tous. Ce n'est pas un hasard : pour résumer, son message est qu'un autre monde est possible, à condition de travailler main dans la main pour amenuiser le poids de nos erreurs et ne pas continuer à foncer droit dans le mur.
Mais Home est aussi une oeuvre picturale intense, une succession de tableaux que n'auraient pas renié les plus grands cinéastes naturalistes du siècle passé. Dieu que c'est beau, une steppe peu à peu animée par la course des bisons. Dieu que c'est beau, ces épaisses couches de neige qui glissent peu à peu sur le flanc de la montagne. Dieu que c'est beau, cette brume qui se lève peu à peu sur les marais texans. C'est beau mais éphémère, et Arthus-Bertrand nous donne envie de faire un effort, un vrai, pour tenter de préserver cette oeuvre d'art qu'est notre Terre. Les chiffres proposés çà et là sont édifiants : notre monde est au bord du point de rupture, mais il n'est pas trop tard pour le sauver. L'immense oeuvre de bienfaisance qu'est Home , immense oeuvre tout court, est peut-être la première pierre d'un édifice qui permettra notre salut à tous. Le monde se rappellera sans doute de cette soirée du 5 juin.
Pour finir, je rappelle que le prochain qui m'offre un calendrier perpétuel Yann Arthus-Bertrand ou ce genre de truc, je l'égorge avec un couvercle de boîte de conserve. Que chacun se rassure : après l'avoir nettoyé, je le placerai avec précaution dans le container réservé aux matériaux recyclables.
Home de Yann Arthus-Bertrand. 2h. Sortie : 05/06/2009.
Critique sur Nightswimming.