
Malheureusement, la régression vue par les Wacho est synonyme d'abêtissement. Difficile de retrouver ses sensations de gosse devant ce spectacle complètement bâtard, qui nage en plein paradoxe. Offrir une esthétique cartoon à base de couleurs criardes, de mouvements de caméra hautement improbables et de gags bien stupides (chutes et contorsions en tous genres) ou proposer un film bavard doté d'une intrigue un poil compliquée, il fallait choisir. Car Speed racer ressemble à une longue série de promesses, plus de deux heures de blabla qui ne sont réellement entrecoupées que de trois vraies séquences de course. Celles-ci sont des plus décoiffantes et permettent d'éprouver un vrai plaisir, même si ce n'est rien du tout par rapport à un bon vieil épisode des Fous du volant (Satanas & Diabolo forever). Dans ces moments-là, on en prend plein les mirettes, on jubile sur son siège et on essaie de garder les yeux ouverts, régulièrement décontenancé par une mise en scène un peu trop excitée. Malheureusement, le calme plat est bien vite de retour, le temps pour le héros de se débattre dans une sombre histoire de trahison, de deuil et de gros sous dont on se serait bien passé. Là, la kitscherie assumée de l'ensemble devient juste insupportable. Personne n'est entré dans la salle pour voir Susan Sarandon préparer des pancakes ou John Gooman serrer son fifils chéri dans ses bras pour lui dire combien il l'aime ! Du coup, ces deux heures quinze ne constituent qu'un divertissement sympathique mais bien trop long, qui enchaîne les temps morts plus que les morceaux de bravoure.
Visiblement, les Wachowski s'amusent, ce qui ne semblait plus vraiment être le cas sur les deux derniers Matrix. Ils font joujou avec toute cette jolie technologie, nous servent un ballet de couleurs à faire passer les chemises de Carlos pour des fringues de croque-mort, filment et refilment ce singe qui n'a rien à faire là mais qui permet de ne pas trop avoir à se creuser la tête côté gags. Ils ont conçu leur Speed racer comme un dessin animé live, avec ce qu'il faut de folie, de dynamisme et de bons sentiments. Et avec un tic salement exaspérant : celui de ne pas monter cut, mais d'enchaîner les plans à l'aide de transitions certes du meilleur effet (le passage d'un personnage devant la "caméra" efface l'image précédente et fait apparaître la suivante), mais insupportables lorsqu'elles sont répétées 200 ou 300 fois dans le même film. Il y a dix ans, Matrix avait révolutionné un genre désormais gangrené par un paquet de pâles copies ; Speed racer tente visiblement de répéter cet exploit mais oublie trop souvent de choisir entre la maturité et son contraire. À trop vouloir toucher tout le monde, les Wacho finissent par ennuyer toute la salle. L'échec du film au box-office américain et son mauvais démarrage européen confirment cette fâcheuse tendance.
5/10