Équation : quand une cinéaste sans talent s'empare d'un sujet excitant mais casse-gueule, quel peut être le résultat ? Exactement ce que l'on pense : un film très réussi par endroits mais qui finit par manquer de souffle et de cohésion en raison du manque d'aisance et de discernement de sa réalisatrice. Le complexe du castor souffre principalement de la présence de Jodie Foster devant et derrière la caméra, ainsi que d'une incapacité à conclure dans les formes. Reste que l'impression générale est plutôt satisfaisante, d'autant que le film permet de découvrir Mel Gibson autrement. Dans son propre rôle ou presque, l'acteur livre une prestation désabusée façon Bill Murray, le autre seul comédien que l'on aurait pu imaginer dans ce rôle. Mais le choix de Gibson confère au personnage un supplément d'humanité, notamment parce que contrairement à Murray il n'est pas encore conscient de son étrange aura. Ce père de famille usé, grotesque et inadapté se révèle diablement émouvant dès les premières images, une voix off non conventionnelle nous faisant intégrer immédiatement sa détresse et son désespoir. Les premières bobines du Complexe du castor sont sans doute les plus belles, parce qu'on subit de plein fouet une dépression express assez traumatisante.
Le script ne tergiverse pas et fait vite entrer en jeu cet étrange castor en peluche que le héros va s'enfiler sur l'avant-bras gauche afin de le faire parler à sa place. Étrange thérapie permettant, c'est lui qui le dit, de mettre de la distance vis-à-vis de tous les aspects négatifs de sa personnalité. Théorie fumeuse ? Sans doute. Mais la conviction avec laquelle ce chien battu de Walter Black entame cette étrange étape de sa vie est communicative. Et comme le film porte un regard mi-attendri mi-amusé sur cette décision insolite, l'affaire est entendue. Foster parvient à doser comme il faut la part de ridicule du personnage et le rend surtout terriblement touchant. Jusqu'à faire éclater le ras-le-bol d'un cercle familial très patient mais désireux de retrouver au plus vite une existence plus normale, sans un castor présent à tout moment pour exprimer avec un drôle d'accent ce que pense celui qui lui faire remuer les lèvres à longueur de journée.
Le film n'est sans doute pas assez existentiel, pas assez resserré sur le personnage de Mel Gibson, autour duquel se nouent des intrigues parallèles tendant parfois à parasiter le propos. Mais la présence d'un autre personnage principal, à savoir le fils joué par Anton Yelchin, permet à la fois d'équilibrer l'ensemble et d'éviter toute possibilité d'overdose de bestiole à queue plate. Détestant tellement son père qu'il met un point d'honneur à gommer toutes les manies et tous les signes distinctifs qui les relient, cet ado d'une intelligence supérieure est pris dans les affres de la création artistique et du désir jusqu'au point de non-retour. L'histoire est moins forte ou singulière que celle du fameux castor, mais le jeune acteur est excellent et ses scènes toujours convaincante.
Hélas, Foster a bien du mal à conclure et s'embrouille savamment les pinceaux : faisant preuve de trop de tendresse pour ses personnages, elle s'embourbe dans un simili happy end qui débarque sans crier gare et dont on peine à saisir la teneur et le message. Le film se dégonfle à vitesse grand V en quelques bobines, mais le générique de fin intervient suffisamment vite pour stopper net ce ramollissement coupable. Rien cependant qui remette en question la qualité générale de ce Complexe du castor ayant réussi à ne pas être qu'insolite, ce qui constitue déjà un exploit en regard de son postulat.
Le complexe du castor (The beaver) de Jodie Foster. 1h31. Sortie : 25/05/2011.
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