Les classements des pires films, dressés çà et là, permettent d'en témoigner : aux yeux du public, il n'y a rien de pire qu'une comédie pas drôle. Pourtant, la vérité est légèrement plus précise : il n'y a rien de pire qu'une comédie pas drôle, dont la morale repousse les limites du conservatisme américain et dont les auteurs furent jadis les succulents metteurs en images de délires visuels et d'envolées comiques de très haute volée. Merci aux frères Farrelly d'avoir pu éclairer notre lanterne avec ce Bon à tirer tout juste bon à foutre au feu, sinistre testament d'un duo de cinéastes qu'on ne savait pas à ce point sur la pente descendante. Ils sont la première et principale tare de leur film, qui souffre de leur incapacité à s'assumer en tant que quinquagénaires : comme leurs héros, les Farrelly tentent de se faire passer pour des jeunes et se prennent les pieds dans le tapis, dépassés par des évolutions morales et technologiques qu'ils n'ont visiblement pas pris le temps d'étudier.
Pour faire simple : en 2011, pour qu'un film soit drôle, ce n'est même pas la peine d'essayer de faire ingérer à ses héros des space cakes pour mieux les transformer en junkies instantanés ou en scatophiles incontrôlables. En 2011, pour que le héros d'un film soit un tout petit peu crédible, on évite de lui faire déverser des torrents de guimauve au super canon qui vient de se désaper pour le charmer (« ma femme et mes enfants sont nichés ici », à déclamer en montrant son petit coeur, l'oeil rivé sur l'horizon). En 2011, pour qu'un film ne soit pas trop insupportable, on traite son sujet au lieu de l'éviter péniblement de façon à ne froisser personne. S'ils n'ont toujours rien contre les effusions de caca et les zooms sur paires de seins, les Farrelly semblent avoir perdu toute trace de second degré, ce qui en fait par conséquent de vieux cons doublés de vieux beaux et de vieux beaufs. La morale nauséabonde qui enrobe la seconde moitié de leur film et son lot de tirades insensées débouche sur une sorte d'apologie du mariage, de la fidélité et de la soumission à l'autre. Les instants les plus drôles du film, en somme.
Car dans B.A.T. le seul comique qui fait mouche est involontaire. Pour faire rire, les Farrelly en sont réduits à filmer l'imposant chibre d'un noir tout nu et le mini-pénis de son voisin. C'est tout : pas d'idée supplémentaires, aucune mise en scène. Juste un énième plan mou et sans passion, destiné à attirer les rires offusqués des spectateurs les plus influençables de l'assistance. De même que faire pleurer en fixant sa caméra sur un petit cancéreux est aussi facile que gratuit, se contenter de filmer une bite ou une crotte sans autre idée d'apport relève du degré zéro du cinéma. La prestation d'Owen Wilson a-t-elle vraiment de quoi remonter le niveau ? Non, puisqu'après une introduction laissant le bénéfice du doute, il s'éteint rapidement et s'abime dans une poignée de tics qu'on lui connaît dès qu'il n'est pas ou mal dirigé. Quant à son compère, un certain Jason Sudeikis, on ignore encore pourquoi les Farrelly ont osé lui confier un premier rôle, lui qui n'a visiblement pas la carrure pour porter un film sur ses épaules et échoue même à insuffler un minimum d'énergie à son personnage.
Même quand il a des choses plutôt pas inintéressantes à dire, Bon à tirer parvient à balbutier son propos et à foirer sa quête d'authenticité et d'efficacité. Lorsqu'il apparaît que le fameux bon pour « une semaine sans conséquence » offert par leurs épouses ne servira qu'à montrer aux héros qu'ils n'en ont ni l'envie ni le besoin, on se surprend à rêver d'un traitement à la Apatow. Il y avait de quoi rendre compte de façon désabusée (mais drôle) de l'incapacité de ces personnages vieillissants à trouver une seconde jeunesse et à aller s'éclater au contact de de femme plus jeunes qu'eux... Mais l'écriture paresseuse et la mise en scène inexistante réduisent la première partie à une douloureuse période d'expectative. Comme la seconde est absolument insupportable, le film n'a plus qu'à se faire hara-kiri avec un épilogue jusqu'au boutiste qui constitue sans doute le seul morceau vraiment amusant de cet horible marasme.
Bon à tirer (B.A.T.) (Hall Pass) de Peter & Bobby Farrelly. 1h45. Sortie : 27/04/2011.
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Il y a 21 heures
1 commentaire sur “BON À TIRER (B.A.T.)”
Quand à son compère
Je n'ai strictement RIEN compris. Entre tes Farelly et ton Apatow...
tout ça me laisse coite.
Mais je retiens "chibre" et me le carre...
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