Il en faut peu pour être heureux. Juno est un faux petit film, de ceux qui n'ont l'air de rien mais parviennent à vous chavirer la tête en moins de temps qu'il n'en faut pour tomber enceinte. Voilà en tout cas l'éclatante confirmation ce que l'on avait pressenti avec Thank you for smoking : Jason Reitman est nettement plus doué que son papa. Un paternel qui, au milieu du ventre mou qui lui sert de filmographie, avait lui aussi parlé de gestation et de parturition (quand j'utilise ce mot, je me sens savant) dans Junior, comédie lourdaude avec un Schwarzie enceint jusqu'aux dents (doivent bien se marrer, en Californie). C'est un tout autre traitement qui nous est proposé ici, moins proche de la franche gaudriole que de ce côté mélancolicodrôlatique qu'affectionnent particulièrement des artistes comme Wes Anderson ou Daniel Clowes.
Si tout est bon dans Juno, le scénario est clairement le moteur numéro un de cette réussite. Diablo Cody a bien fait d'arrêter le téléphone rose et de devenir auteur ; d'ailleurs, elle a sans doute puisé dans le premier métier quelques armes destinées à devenir des atouts dans le second. Dès le départ, elle évite consciencieusement les mille et un passages obligés inhérents à ce genre d'intrigue : pas de pleurnicheries ni de psychologie de bazar. Juno a 16 ans, elle est enceinte... et alors ? Cet évènement exceptionnel est traité avec un détachement rigolard qui séduit d'emblée. Tout comme le personnage-titre du film, cette ado craquante et déterminée qui promène sa moue et son petit bidon comme si de rien n'était, vivant sa vie avec une décontraction assez salvatrice. Si l'on avait quelques années de moins, Juno serait évidemment cette meilleure amie rêvée, celle avec qui on monte un petit groupe de rock avant de tomber inexorablement amoureux. Derrière un sujet apparemment plus destiné aux jeunes, Juno est clairement un film pour semi-vieux, qui déroule une nostalgie lancinante mais pas plombante, qui nous donne simplement envie de régresser un peu et de se prendre un peu moins au sérieux.
Une demi-douzaine de seconds rôles étonnants (de Michael Cera à Jason Bateman, ils sont tous admirables) vient compléter l'univers de cette Juno si singulière, à qui Ellen Page prête sa nonchalance piquante avec une facilité déconcertante. Dès les premiers plans du film, un bidon de jus d'orange à la main, elle s'impose comme une rare évidence. Cette coolitude même pas forcée est contrebalancée par la rigidité inquiète du personnage de Jennifer Garner, idée de génie de la scénariste, qui a compilé dans une seule femme toutes les craintes que l'on pouvait éprouver à propos du film. Cette Vanessa est coincée, angoissée, torturée, étouffante ; c'est la parfaite soupape de sécurité d'un film qui n'a dès lors qu'à dérouler sa force tranquille. Jusqu'à une fin pleine de bons sentiments parfaitement digestes car traités avec une vraie finesse par Reitman. Le long plan qui clôt Juno, modeste et musical, est en cela révélateur de l'ambition même du film : prôner la simplicité et la modestie pour mieux se concentrer sur ce qui devrait faire tout le sel de nos vies trop compliquées. On sort avec un grand sourire, apaisé, séduit et marqué au fer rouge par ce film vachement chouette.
9/10
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Il y a 4 heures
6 commentaires sur “JUNO”
Juste merci pour cette critique qui m'a tout de suite donné envie de voir ce film dont je n'avais pas entendu parler (oui bla bla bla Thank you for smoking, bla bla bla le nouveau Little Miss Sunshine...) À force de travailler dans une boite d'informatique, je vis comme un autiste et je dépense mon argent uniquement dans des gadgets techno-bourgeois plutôt que d'aller au ciné. Puis il y a eu ta critique de Juno. Puis il y a eu Juno. Mais surtout il y a eu Juno (là, grâce à un habile jeu d'artifices typographiques, on sait que je parle du personnage). Un film vraiment drôle, fin, et qui traite un sujet pas facile avec beaucoup d'intelligence. Après on peut lui reprocher d'être un peu trop "cinéma américain indépendant". Mais ça revient un peu à lui reprocher d'être réussi.
Quand je lis ce genre de truc, je me dis que je sers peut-être un peu à quelque chose.
Merci et vive Juno.
Pas aussi emballé que toi, mais très bon film tout de même.
Pas du tout d'accord... Une campagne anti avortement dans un monde rose bonbon... Je trouve que ce film est à fuir !!!
Quant à la comparaison avec "Little Miss sunshine", cette perles, je ne vois pas le rapport.
Ouais ouais ouais! Chu allé voir Juno hier nuit, et c'était vraiment un très bon moment! Un film émouvant et drôle, des acteurs bluffants... Je vais pas m'essayer à un art que Mon Siasse n'exerce trop bien, mais c'est un des meilleurs films qu'il m'ait été donné de voir depuis ce début d'année. Juste derrière Asterix aux JO, peut-être...
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